Témoignages

C’est quoi tes origines ? – Adeline, 30 ans

« C’est quoi tes origines ? » Pour certains, la réponse coule de source. Ils répondent du tac au tac, plus rapides qu’un participant à Questions pour un champion. Je ne sais pas s’ils s’entraînent depuis tout petits ou si la réponse leur vient naturellement aux lèvres. De mon côté, j’ai toujours buté dessus, mais il me fallait bien échafauder une réponse, parce que parler de ses origines, c’est avant tout raconter son histoire.

Mon père est né au Portugal, ma mère en Sicile, mais est-ce pour autant que j’ai des origines portugaises et siciliennes ? Moi qui suis née en région parisienne, qui deviens écarlate au moindre rayon de soleil et qui ne sais pas dire plus de trois mots dans ces deux langues, quand vient le moment d’annoncer ces origines, je me sens l’âme d’une impostrice. Pourtant, je me fais violence en me disant que si mes origines tiennent au sang qui coule dans mes veines, alors oui, la source se trouve bien là-bas. Et puis, si je dois subir les blagues sur les Ritals et les poils des Portugaises, j’ai bien le droit de profiter aussi du potentiel exotique et romantique de ces origines !

Et puis, arrivée à l’âge adulte, alors que mon discours avait commencé à bien se rôder, voilà qu’une révélation vient tout bousculer. Ma mère m’avoue, après 28 ans de silence, qu’elle a dû avoir recours à un don d’ovocytes pour m’avoir. Le choc n’est pas si brutal, car immédiatement me reviennent plusieurs souvenirs qui commencent à s’emboîter comme les pièces d’un vieux puzzle qu’on aurait laissé prendre la poussière au grenier. Mes parents se sont rencontrés lorsqu’ils avaient 15 ans et ne m’ont eue qu’à 37 ans. Je sais qu’ils avaient entamé une procédure d’adoption avant qu’on leur parle de nouvelles possibilités de PMA. Ils m’ont parlé de FIV lorsque j’étais au collège, mais lorsque j’ai commencé à poser des questions techniques, ma mère m’a fait taire brusquement. Comme ce n’est pas dans ses habitudes, j’ai compris qu’il y avait quelque chose de douloureux pour elle autour de ma naissance, et n’en ai donc plus jamais parlé.

Cela me fait du bien d’écouter ma mère me parler de tout ce qu’elle a pu traverser, de ses doutes, de ses blessures et de ses joies. À elle aussi. Elle m’avouera d’ailleurs une semaine plus tard qu’elle a l’impression qu’un poids a enfin quitté ses épaules. Pourquoi s’imposer un tel châtiment ? Et pourquoi laisser vivre son enfant dans l’idée que sa venue au monde ait pu être source de souffrance, alors que c’est tout l’inverse ? Je sais qu’il existe plusieurs réponses à celà (honte de l’infertilité, tabou du don, peur du rejet…), mais je sais aujourd’hui qu’aucune ne justifie les répercussions qu’entraîne inévitablement un tel secret.

Quoi qu’il en soit, l’histoire de mes origines commence à ressembler à quelque chose. J’ai le cerveau en ébullition, un grand sourire sur les lèvres et je n’arrive à me concentrer sur aucun autre sujet. Soudain je remarque quelque chose: il manque un chapitre à l’histoire. Ce que je viens d’apprendre, c’est que le sang qui coule dans mes veines, en fait, je n’en connaîs que la moitié. Alors je suis d’origine portugaise, mais plus sicilienne, c’est ça ? Mais alors, je suis quoi ? Et ce que m’a transmis ma mère, même si ce n’est pas de l’ADN, ce sont quand même mes origines, non ? Que dois-je répondre maintenant, comment je raconte mon histoire ?

Face à ces questions, chacun réagira différemment. Pour ma part, j’ai laissé l’information faire son chemin lentement dans mon cerveau. Une histoire, ça ne s’écrit pas à la va-vite, il faut prendre le temps d’apprécier chaque étape et d’être sûr du chemin qu’on prend, surtout quand il peut affecter d’autres personnes. Un an plus tard, mon choix était fait. S’il y a une possibilité, même infime, de savoir qui est à l’origine du don qui a permis ma naissance, je veux la saisir. Pourquoi ? Pour compléter l’histoire de mes origines, mais aussi pour me prouver que ma conception n’est pas qu’un parcours médical douloureux, c’est également une histoire humaine, une histoire de générosité, voire même de sororité.

J’ai donc commandé un test ADN et entamé la longue attente entre l’envoi des échantillons et la réception des résultats. Lorsque ceux-ci sont enfin apparus sur l’écran de mon smartphone, mon cœur battait la chamade. Je suis bien à moitié portugaise. Et si je ne suis effectivement pas sicilienne, j’ai découvert avec stupéfaction que l’autre moitié de mon ADN est tout de même bien « rital » ! L’outil a même identifié que plus de 20% de mon patrimoine génétique viendrait de Sardaigne. Cette découverte m’a bouleversée. D’abord parce que j’étais profondément heureuse de sentir une connexion géographique avec ma mère. Ensuite parce que je me suis rendu compte que je ne connaissais absolument rien de la Sardaigne. Ce qui avant n’était pour moi qu’une île entre la Corse et la Sicile est aujourd’hui devenu l’un des décors de l’histoire de mon ADN. Je sais que j’ai des heures de lecture devant moi, voire des visites à prévoir pour découvrir ce nouveau monde, et j’en suis tout excitée !

Non, je n’ai pas encore trouvé celle à qui je dois ce nouveau patrimoine génétique, peut-être ne la trouverai-je jamais. Et si je la trouve un jour, je ne sais pas encore ce que nous pourrons nous dire, mais j’espère qu’elle acceptera de me raconter un peu l’histoire de ses origines à elle.

Je pense que je me sentirai toujours autant dans l’imposture, que je me dise sarde, sicilienne ou portugaise. Mais qu’importe ! Ce que j’ai compris, c’est que la réponse à cette question est bien trop complexe pour se résumer en une phrase, surtout dans mon cas. Alors j’irai au plus simple la plupart du temps, mais quand j’en aurais envie, je pourrais aussi y répondre vraiment, sans en avoir honte et en prenant tous les détours possibles, parce qu’aujourd’hui je les connais.

S’il y a bien quelque chose que ces dernières années m’ont appris, c’est que l’humain a besoin de se raconter. Il a besoin d’une histoire bien à lui, aussi inhabituelle et étonnante qu’elle soit, pour donner un sens à son existence.

Les Tests ADN, de la curiosité à la surprise

Les Tests ADN, de la curiosité à la surprise

Je m’appelle Frédéric, j’ai 46 ans. J’ai appris il y a 6 mois que mon père n’est pas mon père biologique !
Tout a commencé par le visionnage de cette superbe vidéo où des personnes fières de leurs origines découvrent que finalement la réalité est toute autre.

https://youtu.be/GgK_DCbRxLM

Piqué par la curiosité, je décide de faire ce test pour découvrir mes origines ethniques éloignées. Ma famille maternelle et paternelle ayant réalisé des arbres généalogiques sur plusieurs générations remontant au 18ème siècle, je m’attends à être assez peu surpris par le résultat.

Arrivent les résultats tant attendus.
Je découvre dans un premier temps mes origines ethniques qui correspondent plus ou moins à ce que j’avais imaginé. Les « matchs » de personnes quant à eux sont plus surprenants, deux personnes identifiées comme des cousins issus de germains apparaissent en top liste. Etant très proche de ma famille et connaissant mes cousins issus de germain au 1er et 2ème degré, je suis très étonné de ne pas connaitre cette branche, ni même ces noms de famille.
Lors d’un séjour chez mes parents, je leur montre les résultats et évoque mon étonnement. Ils ne semblent pas curieux ni même intéressés et balayent le sujet rapidement sans que cela suscite chez moi une interrogation…. Je passe à autre chose en remettant en doute la pertinence des résultats.

2 mois après, mes parents demandent à me parler en tête à tête et me dévoilent ce lourd secret : Mon père n’est pas mon père biologique.
Mes parents m’expliquent ensuite qu’après plusieurs années de tentatives infructueuses, le spermogramme réalisé par mon père avait révélé une azoospermie complète.
Passé le choc du diagnostic, le seul moyen pour eux d’accueillir un enfant était d’adopter ou de passer par une PMA. Mon père étant dans le corps médical dans un service de gynécologie, il savait que le premier CECOS français créé à Necker en 1973 commençait à réaliser les premières PMA à partir de donneurs anonymes.
Une fois la décision prise et l’insémination réalisée, mes parents ont fait le serment de conserver ce secret jusqu’à leur mort et de ne le révéler à personne, ni famille, ni ami. Seul un courrier, rédigé par mes parents à mon attention devait m’être donné par notre notaire après leur décès.

Au-delà de l’annonce… terrible… mon premier sentiment est allé vers mes parents et ce lourd secret qu’ils ont dû porter pendant plus 45 ans. J’imagine tous ces moments passés…entre la naissance où l’on s’extasie devant le nouveau-né en lui trouvant des ressemblances avec tel ou tel ancêtre, et puis tous leurs amis ou familles qui ont pu traverser les mêmes difficultés et qu’ils n’ont pu réconforter en partageant leur expérience. Quelle douleur !

Je ne leur en veux absolument pas et comprends parfaitement leur décision d’avoir gardé ce secret. Il faut se remettre dans le contexte de l’époque ou la PMA était extrêmement mal vue et même considérée comme un adultère. Quelle aurait été la réaction de ma famille, plutôt traditionnelle et classique, m’auraient-ils rejeté, aurais-je été considéré comme le bâtard de la famille ? Les psychologues et obstétriciens de l’époque conseillaient vivement aux parents de ne surtout pas révéler le secret.
Le monde a tellement changé depuis, je ne suis pas là pour juger !

Mes parents repartis, je me suis retrouvé seul chez moi … interloqué et face à un miroir, à me demander qui j’étais réellement et d’où pouvaient venir ses traits physiques et de caractères que je ne retrouvais pas chez ma mère et qui devaient naturellement venir de mon donneur.

Très rapidement, j’ai eu le besoin d’en parler à mes amis, puis rapidement à qui voulait bien l’entendre. Les premiers retours, mise à part la sidération, ont été extrêmement positifs et emprunts d’affection. Plusieurs ont souligné le courage de mes parents de faire le choix de la PMA, de garder pour eux ce secret pour me protéger.
S’il doit y avoir une évidence, c’est que je suis un enfant désiré … c’est cela que je retiens de plus important.

Passé la sidération, j’ai eu un besoin viscéral de connaitre mes origines, un nom, un visage, une profession, une origine ? Il ne se passait pas une heure sans que j’y pense.

Très rapidement, j’ai commencé à effectuer des recherches et pris contact avec ces deux « cousins » avec lesquels le match était important (+3%).

C’est à partir de ce moment que tous les événements se sont enchainés les uns après les autres avec une facilité déconcertante ! Une bonne étoile était avec moi.

Ces deux « cousins » ont été sensibles à ma quête et m’ont autorisé à consulter leur arbre généalogique qui s’est révélé être très complet.
Après plusieurs recherches et croisements, je suis tombé de façon certaine sur l’identité de mes « grands-parents biologiques » qui, au travers de leur acte de décès, m’ont permis d’avoir l’identité formelle d’un de leurs enfants…. et un numéro de téléphone.
…C’était un lundi soir.

Mardi soir, prenant mon courage à deux mains, j’appelle ce numéro et explique mon histoire à mon interlocuteur (qui s’est avéré être mon « oncle biologique »). Très ému par ma présentation, il me révèle qu’effectivement son frère ainé avait fait des dons de sperme alors qu’il était militaire sur Paris en 1974.
Quelques minutes après mon appel, j’avais le prénom et le numéro de téléphone de mon donneur.
Après une grande inspiration et quelques notes gribouillées sur un papier, je décide de l’appeler.
Il décroche…
Je me présente…
Il rigole nerveusement et me dit « Je savais qu’un jour ou l’autre ça allait me tomber dessus » et ajoute « Salut mon Gars, ravi de faire ta connaissance ». Nous sommes émus, on s’envoie des photos en direct et il m’invite à venir diner chez lui en région parisienne.

Jeudi soir, je suis devant son portail, je sonne, on se regarde, on se jauge, on rigole, nous nous prenons dans les bras… Quelle émotion indescriptible !

Il m’invite à le suivre, nous traversons sa maison et je découvre dans le jardin sa femme, sa fille et son gendre qu’il avait convié à l’événement.

Moi qui avais toujours souffert d’être fils unique, je me découvre une demi-sœur !

Le reste de la soirée est floue, le stress et la singularité de l’événement m’ont embrouillé la mémoire…. Dire que 4 mois avant, je faisais un simple test ADN pour m’amuser de mes origines !

Depuis, nous continuons à nous voir, mes parents ont été mis au courant et mes enfants ont intégré cette « nouvelle composante de notre famille ».

Je tenais à témoigner de mon expérience car j’ai le sentiment, conscient ou inconscient d’avoir « complété mon puzzle », et d’avoir enfin trouvé la pièce manquante.

Rétrospectivement, depuis que je suis enfant, j’ai toujours eu l’impression d’être différent, de ne pas connaitre une partie de moi-même, d’avoir une part d’ombre et d’inconnu.

Je pense avoir trouvé la réponse à mes questions.

Témoignage Frédéric

Conçu au CECOS de Rennes en 1991 grâce à un donneur porteur d’une mutation BRCA1

J’ai été conçu au Cecos de Rennes en 1991, et ai appris récemment que mon géniteur m’a transmis sans le savoir une mutation génétique favorisant les risques de cancer (BRCA1).

J’ai toujours connu mon mode de conception. Je parle librement de la PMA avec mon entourage, souvent de manière légère ou taquine. Il faut reconnaître que le don de gamètes est un terreau fertile pour les blagues douteuses. L’identité de mon géniteur est une question distincte, dont l’idée même demeure diffuse jusqu’au début de mes études de droit. Je suis persuadé adolescent que je ressemble beaucoup au donneur, puisque je ne me reconnais pas vraiment dans ma famille. Impossible de pousser plus loin la réflexion puisque l’anonymat du don s’impose, et s’imposera jusqu’à ma mort. C’est au détour d’un cours de droit des personnes que j’ai découvert les zones d’ombres de ma conception. La première loi encadrant la PMA avec tiers donneur date de 1994, 3 ans après ma naissance !

Ce vide juridique ne signifie pas que les abus sont systématiques avant 1994, simplement qu’ils existent. La PMA étant encadrée et contrôlée par les médecins eux-mêmes, comment savoir si la limite éthique de 10 enfants par donneur, fixée 3 ans plus tard, est déjà respectée ? Comment savoir si mon géniteur est en bonne santé ? Et même s’il est en pleine forme au moment du don, que se passe-t-il si une maladie génétique s’exprime après plusieurs décennies ? Ces interrogations impersonnelles sont alimentées par un sentiment d’injustice, cette impression dérangeante qu’un élément fondamental de mon identité m’a été retiré avant même ma naissance. L’État a formé des médecins, offert des locaux qui ont permis ma conception. L’acte est remboursé par la Sécurité Sociale. Pourtant l’État me dissimule la réalité de ma propre conception et m’impose un anonymat auquel je n’ai jamais consenti. Ce secret peut sembler justifié pour protéger un enfant voire un adolescent, même si c’est déjà abusif. Il est incompréhensible lorsque la personne conçue devient un adulte, un père, un citoyen disposant du droit de voter et du devoir de payer ses impôts.

Il y a quelques années j’ai compris qu’il est possible de reprendre le contrôle, de jouer un rôle actif. Les tests ADN me permettent désormais d’identifier mon géniteur. Plus de deux ans de recherches ont été nécessaires, mais ça valait le coup à tous points de vue.

J’ai découvert un géniteur très sympathique et ravi de ma recherche : « Tu as bien fait de me trouver ». Il m’a informé être porteur d’une mutation génétique favorisant l’apparition de cancers précoces. Le gène en question a été découvert dans les années 1990 et a été repéré récemment dans la famille, il n’avait donc aucun moyen de savoir qu’il pouvait le transmettre au moment de son don. J’ai foncé chez une généticienne, et au bout de quelques mois le résultat est tombé : j’ai bien hérité de la mutation familiale. Au fond c’est une excellente nouvelle. Sans cette enquête passionnante je n’aurais jamais eu connaissance de l’existence d’une mutation que je porte pourtant depuis ma conception. J’aurais peut-être découvert seul cette mutation, mais trop tard, grâce à un cancer précoce ravageant mon corps ou celui de mes enfants. J’ai eu la chance de pouvoir me faire dépister, et à l’avenir mon fils aura aussi cette opportunité. Désormais je sais que je dois être contrôlé régulièrement.

Dès notre première discussion téléphonique j’ai proposé à mon géniteur de contacter le CECOS de Rennes. Il existe une procédure mal connue, rarement enclenchée, consistant à contacter toutes les personnes conçues à l’aide d’un donneur porteur d’une mutation génétique grave. Je pense que nous avons tous les deux une responsabilité à leur égard. Lorsqu’une telle mutation apparaît dans une famille il est vivement conseillé de transmettre l’information à ses proches. Ces proches sont des étrangers, mais nous sommes tous solidaires face au risque de cancer. Le CECOS a reconnu qu’en l’espèce la communication est absolument nécessaire, et toutes ces personnes seront contactées. Certaines ignorent sans doute leur mode de conception, aussi j’imagine bien que la nouvelle sera bouleversante. Peut-être que certains de ces demi-frères et demi-sœurs biologiques liront ce témoignage, et contacteront cette association qui m’a tant aidé ?

Photo témoignage donneur Rennes 1991 BRCA1 mutation

Élodie : la quête achevée, la suite de mon histoire peut s’écrire

14 juillet 2020, 18h36 : J’ai passé une bonne partie de la journée à consulter mon compte MyHeritage avec fébrilité. C’est pourtant un message de celui que je peux enfin appeler mon demi-frère (génétique) qui me confirme notre lien : nous partageons 26,1% d’ADN.

Je ressens un grand soulagement. Ces derniers mois, et en particulier ces dernières heures, ont été tendus. Comment ne pas l’être lorsqu’on est sur le chemin de la réponse à la question que l’on se pose consciemment depuis douze ans, inconsciemment sans doute depuis bien plus longtemps ? A savoir : qui est l’homme qui m’a donné la vie ? A quoi ressemble-t-il ? Quelles étaient ses motivations ? ses goûts ? quel père a-t-il été pour ses enfants ? …

Je considère que je suis avant tout le « produit » de mes parents. S’ils ne s’étaient pas rencontrés, n’avaient pas décidé de faire un enfant ensemble, je n’aurais jamais été conçue. Je les aime et ne souhaite pas en changer, ni en obtenir de supplémentaires. Toutefois, sans le don de sperme de mon géniteur, je ne serais pas là non plus, mes parents auraient eu un autre enfant.

Pendant longtemps, je n’ai pas cherché à savoir. Cela ne me semblait pas capital, m’apparaissait comme un détail de ma vie. C’est ma grossesse qui m’a décidée. Difficile de ne pas se demander d’où l’on vient lorsqu’on s’apprête soi-même à donner la vie… J’allais transmettre 50% d’un patrimoine génétique en partie inconnu… Cela ne m’inquiétait pas particulièrement, je me sentais étonnamment confiante, mais cela aiguisait ma curiosité. J’avais besoin de savoir.

Quelques mois après la naissance de mon fils, j’ai rejoint l’association PMAnonyme. Rencontrer d’autres personnes conçues par don, partager mon histoire et mon ressenti, entendre le leur m’a fait beaucoup de bien. Quelques semaines plus tard, je réalise mon premier test ADN. Plusieurs mois et autres tests ensuite, grâce au site généalogique Filae, je trouve la trace de mes arrière-arrière-grands-parents biologiques, les arrière-grands-parents de mes deux correspondances ADN les plus importantes (plus d’1%). À partir de là, je me dis que je vais trouver, ce n’est qu’une question de temps.

Une fausse piste et beaucoup de vaines recherches après, j’ai une hypothèse que je trouve plausible. Une toute petite correspondance ADN partage des ancêtres avec certains descendants du couple d’arrière-arrière-grands-parents identifié. Parmi ces descendants, un homme, aujourd’hui décédé, a vécu dans la ville où j’ai été conçue.

Je mets plusieurs mois à me décider à contacter le cadet de ses deux fils, que j’ai facilement trouvé sur le web (pour l’aîné, je suis moins sûre que c’est bien lui). Je prends mon temps, regarde leurs photos sur différents sites, traque les ressemblances entre leur visage et le mien… Je me prépare psychologiquement.

Au bout d’un moment, je sens que je suis prête. Je n’en peux tout simplement plus d’attendre, de laisser passer plus de temps encore que celui que nous avons déjà perdu malgré nous. Je prends le temps de rédiger un long message pour exposer ma situation, résumer brièvement mon histoire, ma recherche, mes attentes (notamment « je ne recherche pas un père, j’en ai déjà un »). Je finis par l’envoyer, et m’attends à attendre un moment. Des jours, des semaines peut-être…

Moins de trois heures après, il me répond. Il se dit profondément touché, bouleversé même. Oui, son père a donné son sperme et avait expliqué son geste à ses enfants. Il avait environ 14 ans et s’en souvient très bien. Il serait ravi de discuter avec moi et même de me rencontrer, et son frère aussi…

Ce premier contact a lieu un an à peine après mon premier test ADN.

Aujourd’hui, huit mois après ce premier échange, je me sens à la fois plus sereine et toujours fébrile. Mes demi-frères et le reste de leur famille sont très accueillants. Malgré les années qui nous séparent (à la fois par notre différence d’âge et le temps que nous avons vécu sans nous connaître), je me sens déjà étonnamment proche d’eux. À travers eux, je découvre peu à peu l’homme dont je suis biologiquement issue : récits, photos, anecdotes… De petites pièces de puzzle qui s’assemblent. C’était un homme aimé de ses proches, particulièrement curieux et ouvert aux autres, qui a donné son sperme par simple générosité.

Ce n’est pas facile de découvrir si tardivement une partie de ses origines, et donc de soi, si sympathique, ouverte et attachante soit-elle. On a l’impression de ne plus s’appartenir tout à fait, que les autres en savent finalement plus que nous sur une partie de notre identité.

Malgré tout, je me sens heureuse et exaltée. J’ai vu plusieurs fois mes demi-frères génétiques et nous commençons à tisser des liens. En dépit de mes doutes, j’ai réussi à en parler à mes parents, qui comprennent ma quête et sont contents pour moi. 

Mais l’histoire n’est pas finie. Il faudra beaucoup de temps, de mots, de moments partagés pour parvenir à vraiment se connaître. Approfondir ces nouveaux liens tout en en apprenant davantage sur mes ancêtres biologiques. La quête achevée, la suite de mon histoire, et notre histoire commune peuvent maintenant s’écrire.

main adulte et main enfant avec arbre derrière

Conçu par don en cabinet de gynécologie privé : il faut toujours garder espoir

Je m’appelle Quentin et il y a 28 ans, j’ai été conçu dans un cabinet de gynécologie privé. J’ai appris l’origine de ma naissance aux alentours de mes 10 ans. J’ai essayé à l’adolescence de trouver quelques indices sur mon donneur, en vain. Puis, en grandissant et en tant que jeune adulte, l’envie se faisait de plus en plus grande. Je me rends compte que je ne me connais pas, enfin seulement une moitié de moi … mais l’autre est plongée dans le noir et beaucoup d’interrogations me viennent en tête ! Qui est mon donneur, ses origines, où vit-il, ai-je des demi-frères et -sœurs, mais aussi des questions moins drôles telles des maladies héréditaires dont je devrais être au courant ?
Tous mes proches à qui j’ai pu en parler avaient une réponse unanime : je ne retrouverais JAMAIS mon donneur, c’est anonyme et la loi ne prévoit pas d’aider les enfants nés de dons, je dois apprendre à vivre avec. 

Bref … En fouinant sur Internet, je trouve l’association PMAnonyme, que je décide de contacter. J’ai eu la chance de tomber sur Blandine, membre active de l’association également née par don. C’est étrange mais en même temps agréable de se sentir compris et écouté lorsqu’on évoque un sujet en commun parfois difficile à vivre ! 

En 2018, j’ai 26 ans et sur les conseils d’une camarade de l’association, je me lance dans des tests ADN, sans conviction, me disant que qui ne tente rien n’a rien.

Premier résultat et première découverte sur moi : je suis d’origine lituanienne à 51% ! Les 49% restants composant mon ADN correspondent aux origines maternelles que je connais, à savoir majoritairement Europe centrale.

Quentin origines géographiques

Puis, de semaine en semaine, je reçois des mails de MyHeritage me proposant des correspondances de moins de 1% avec différentes personnes qui seraient d’arrière-arrière-cousin(e), autant dire rien intéressant.

Je continue de vivre ma vie en oubliant même ces histoires de tests lorsque, le 17 juin 2020, en consultant mes mails, je remarque un nouveau mail de MyHeritage, et là … énorme surprise, j’ai une correspondance de 22,5% avec un jeune homme de 25 ans avec qui la relation estimée est « demi-frère » ! Je relis à plusieurs reprises ce mail afin d’être sûr que je ne rêve pas ! Non, c’est bien le cas, je viens de trouver un demi-frère !
En tapant son nom sur Google, je retrouve sans difficulté sa trace via Facebook et en consultant son profil, je comprends qu’il est lituanien … et donc très probablement le fils de mon donneur !
Sur les conseils d’une camarade, je le contacte.


Je vais vous passer les nombreux échanges de messages et d’appels mais je venais de retrouver la famille de mon donneur et mon donneur lui-même !
Je découvre ce même jour que j’ai 6 demi-frères et -sœurs, des photos ainsi que l’identité de mon donneur. C’est une famille très ouverte, qui n’était pas au courant des dons de leur père jusqu’à ce jour. Néanmoins, ils ont très bien accueilli la nouvelle.
Ils vivent en Lituanie, parlent français mais une de mes demi-sœurs vit a Paris. Il s’avère que l’on était presque voisins … incroyable !


Sur l’initiative et demande de mon donneur, on s’appelle en visio, pendant 1h30 ! C’était émouvant, je sentais qu’il était également content de me voir car je suis, qu’on le veuille ou non, son fils de sang. On se raconte nos vies, j’en apprends beaucoup sur lui, sa famille, les raisons de ses dons, etc.
Ils habitent à Vilnius et je suis convié à venir visiter la Lituanie, cela se fera petit à petit dans les semaines/mois à venir !

Puis, quelques jours plus tard, vient la première rencontre physique pour moi avec ma demi-sœur à Paris. C’était assez troublant car en se comparant physiquement et sur des traits de caractère, on s’est trouvé beaucoup de ressemblances … J’étais tellement différent de ma mère sur certains points et je ne comprenais pas car j’ai toujours cru que notre caractère venait de notre éducation.
Mais finalement j’ai appris que le caractère provenait aussi des gènes. En l’écoutant parler de son père donc de mon donneur, j’avais l’impression qu’elle me décrivait sans même me connaître.

Assez incroyable, tout s’est bien passé, les relations se nouent petit à petit sans brusquer les choses, on est tous très ouverts et curieux de se découvrir !
Encore plein de belles choses sont à venir même si on gardera évidemment nos vies et nos familles respectives !

Voilà, je souhaitais en faire part pour que cela puisse éventuellement donner un exemple où rassurer certains enfants nés comme nous. Il faut toujours garder espoirs et les tests ADN nous ont donnés cette possibilité. Même à moi qui pensait être un cas à part car pas né d’un Cecos.

Photo Quentin
Aujourd’hui je sais

Aujourd’hui je sais

Je m’appelle Marjorie et j’ai 33 ans. Petite, je posais énormément de question sur mon père car j’en n’en avais pas.
Ma mère était avec une personne stérile, ils ont entamé un long parcours de PMA. À 32 ans, elle quitte le Cecos pour aller voir le meilleur des gynécologues en PMA de l’époque sur les conseils de sa sœur infirmière. Ce dernier insémine à son cabinet avec du sperme frais, il a d’excellents résultats. En effet, elle tombe enceinte à la 1ère insémination mais son compagnon l’a quittée entre-temps. À l’époque, ma mère questionne ce gynécologue sur les donneurs, ce dernier lui dit que ce sont des étudiants en médecine, il faut les rémunérer. Pourquoi ne pas croire ce médecin, très sûr de lui, qui drague ses patientes mais qui est reconnu par les plus grands… Et puis comment imaginer… Et il y a toutes ces années de galère, enfin un ventre rond…
Ma mère a donc fait une enfant toute seule. Mes questions aux membres de ma famille sur ce père présumé parti devenaient de plus en plus nombreuses, ma mère m’a finalement tout révélé à 12 ans.
J’ai souvenir d’un grand vide : j’avais cette quête, ce père que je finirais par rencontrer et là plus rien, on m’enlevait mon droit à connaître…
Un donneur, anonyme, on m’interdisait de savoir, on m’enlevait une part de moi.

Je comprends aujourd’hui tous les choix de ma mère, j’ai été choyée, aimée par une grande famille, adoptée, mes enfants prononcent aujourd’hui le mot papi et si nous avons mis beaucoup de temps à en parler avec ma mère c’est simplement parce que je ne supportais pas de sentir sa culpabilité qui pesait sur nos échanges.

Il y a 8 mois je tombe sur un reportage où un homme conçu par insémination artificielle avec donneur (IAD) raconte avoir retrouvé son donneur, j’avais mis tout ça de côté depuis des années et j’entends soudain qu’une quête que je pensais vaine peut aboutir, tout devient possible. J’écris timidement sur le Facebook de PMAnonyme, je me retrouve vite à échanger avec plein de personnes ayant eu les mêmes questionnements et qui partagent le même besoin de savoir. Ce bien fou que cela fait de parler à des gens qui comprennent, qui ne jugent pas. Je décide assez rapidement de faire un test ADN, soutenue par les membres de l’asso. Ils connaissent le docteur qui a suivi ma mère, tristement connu pour ses déboires juridiques, condamné pour abus sexuels sur ses patientes. On me parle de ses origines, ces mêmes origines qui se sont affichées en gros sur mon smartphone lorsque les résultats du test sont tombés, un soir où j’étais seule avec ma mère. Le destin joue parfois avec nos nerfs. Le gynécologue est bien le donneur, il a utilisé ses propres gamètes et a trompé sa patiente.
Une seconde fois un vide s’installe…

Aujourd’hui je suis heureuse de connaître la vérité même si je rêvais d’en trouver une autre. J’ai et je suis encore soutenue par les membres de PMAnonyme, un grand merci à eux. J’ai pu échanger avec certains membres de la famille de mon géniteur et je suis rassurée sur bien des points. J’ai pu crier à tous mes origines, avoir des réponses, mettre un visage, une silhouette sur des feuilles blanches.

Aujourd’hui je sais enfin.

photo témoignage Marjorie

Je me suis réapproprié mon identité grâce à la généalogie génétique

Juin 2018. J’enseigne le français aux enfants d’une famille russe. Leur mère me donne un livre qui s’intitule « je vais avoir un petit frère » et me demande en souriant d’expliquer comment on fait des bébés à sa fille de 4 ans. Elle s’en va et je reste seule avec la petite. En tournant les pages, je dis que pour faire un bébé, le papa et la maman doivent se faire un gros câlin. Au moment où je prononce ces mots, je ne peux m’empêcher de penser au fait que j’échappe à cette règle : je ne suis pas née des câlins que se sont faits mes parents, mais d’un don de sperme.

Pendant deux décennies, j’ai pensé savoir qui j’étais, d’où je venais. On se cherche toute sa vie. On cherche à savoir qui l’on veut devenir, comment on va y arriver, quel est le sens de sa vie. Mais on ne se pose en général pas plus de questions que cela sur ce qui constitue le socle de son identité. On connaît ses racines, la base est là, posée. Et c’est dessus qu’on se construit. Moi, je me suis construite sur une identité de base que je pensais solide, complète, vraie, mienne. Une vérité que je croyais aussi inébranlable que « la terre est ronde » ou « l’eau est vitale ».

Février 2010. Je viens d’avoir 21 ans et je vis encore chez mes parents. Un matin, à peine arrivée à l’entrée de la cuisine où je veux prendre mon petit-déjeuner avant d’aller en cours, ma mère, en instance de divorce avec mon père, m’annonce qu’elle doit me « dire quelque chose ». À son regard et à celui de ma sœur, clairement déjà au courant, je comprends que c’est plutôt important. Nous sommes toutes les trois debout, de part et d’autre de la cuisine. Personne ne m’invite à m’asseoir alors qu’on s’apprête en quelques secondes à démolir les soubassements de ce qui a été mon identité 21 ans durant. C’est ce jour-là que le concept de don de sperme fait irruption dans ma vie. Ce n’est pas la première fois que j’en entends parler. Le sujet est souvent mentionné dans les séries américaines que je regarde depuis mon enfance : Joey dans Friends et Kelso dans That’s 70 Show donnent leur sperme pour arrondir leurs fins de mois. Mais c’est la première fois que je l’envisage autrement qu’un ressort comique de séries télé. Et ça n’est plus drôle du tout. Ça fait partie de ma vie, de moi. C’est ce qui m’a permis d’exister. Soudain, c’est lugubre. Sale. Non seulement, je deviens quelqu’un d’autre, à qui on a caché la véritable identité pendant plus de 20 ans, mais je deviens également une sorte d’alien, une espèce d’humain artificiel, créée contre les lois de la nature. Après cette annonce dévastatrice, je monte dans ma chambre et je me regarde dans le miroir. Pendant quelques secondes, je crois perdre les pédales : je ne me reconnais pas. J’ai toujours vu dans mes traits ceux de mon père, et dans mes yeux bleus, les siens. Qui suis-je ?

Janvier 2018. Ma sœur m’envoie un article. Un homme né d’un don de sperme a découvert l’identité de son géniteur grâce à des tests ADN. Il est le seul en France à ce moment-là, mais je ne sais pas pourquoi, je me dis, pleine d’espoir : « c’est bon, je saurai un jour ». Il me faut un an pour franchir le pas et faire les tests.

Février 2019. Le jour où je reçois les résultats, je me connecte fébrilement, espérant avoir une réponse immédiate : peut-être qu’un parent proche du donneur a effectué un test ADN ?
Je suis déçue de constater que ce n’est pas le cas, et que ma plus grosse correspondance génétique est un cousin lointain. En revanche, première révélation : d’après les origines ethniques que m’attribue le site, le donneur est juif. Moi qui pensais n’obtenir que des réponses avec les résultats ADN, voilà que je suis confrontée à de nouvelles interrogations : qu’est-ce que ça veut dire « être à moitié juive » ? Qu’est-ce qui définit un Juif ? A quel point est-ce que cela fait partie de mon identité puisqu’il ne s’agit « que » de mes gènes ?

Je contacte PMAnonyme. Parler avec ses membres est mille fois plus salvateur que des séances chez le psy. Je découvre des gens normaux, loin de l’idée d’alien que je m’étais faite, et qui n’ont pas peur de clamer haut et fort dans les médias qu’ils sont nés d’une insémination artificielle avec donneur.
En plus de ce soutien psychologique inespéré, je reçois d’excellents conseils pour ma recherche généalogique et l’on m’apprend que mes résultats sont transférables sur d’autres bases de données.

Je contacte mes deux matchs les plus proches sur ces sites. Le premier est une cousine grecque qui ne peut pas m’aider mais me comprend, ayant découvert qu’elle est née d’un adultère. Le deuxième est un cousin américain qui écrit des livres sur la paternité, et que je rencontre l’été suivant à San Francisco avec toute sa famille. Puis une rencontre décisive avec un cousin lointain français à Paris me donne LA clé : l’arbre généalogique complet des descendants d’un couple d’arrière-arrière-grands-parents biologiques que j’ai identifiés grâce aux sites ADN.

Une fois chez moi, après cette rencontre, j’analyse ce précieux document. Les noms de deux hommes correspondent aux origines ethniques que je me suis découvertes. Ironiquement, l’un d’eux, plutôt renommé, s’est déjà prononcé, dans le cadre de ses fonctions, en faveur du droit d’accès aux origines pour les personnes issues de dons de gamètes, et j’ai souvent entendu sa voix à la radio… Puisque je suis née d’un don de sperme « frais » en cabinet gynécologique privé, il est plus probable que mon donneur ait été médecin. Je tape donc le deuxième nom dans Google, et je constate qu’il s’agit d’un gynécologue… l’étau se resserre.

Septembre 2019. J’ai rendez-vous avec ce gynécologue. J’attends dans la salle d’attente, face à son cabinet, exprès pour le voir. À un moment, la secrétaire entrouvre la porte. Je n’aperçois que sa main droite sur la souris de l’ordinateur et l’idée que c’est sûrement la main qui a activement participé à ma création me traverse l’esprit…
Une fois face à lui, je suis dans un état tellement second que je ne comprends pas tout ce qu’il me dit et ne réagis pas à ses blagues. Si c’est bien mon donneur, la ressemblance n’est pas flagrante, mais je crois reconnaître des similarités avec ma sœur et moi dans sa façon de se mouvoir. À la question classique sur les antécédents familiaux, je saisis la perche qu’il me tend et explique la raison véritable de ma venue. Tout se déroule exactement comme je l’avais toujours espéré : il avoue sans problème avoir donné son sperme et accueille ma démarche avec enthousiasme. Triste ironie du sort : il n’a jamais eu d’enfants et a fait son don au moment où les FIV réalisées avec sa compagne échouaient les unes après les autres. « Et dire que, quand vous êtes entrée dans le cabinet, j’ai failli faire une blague sur votre nom de famille. » me dit-il. Eh oui, mon nom de famille désigne une certaine catégorie de médecins…

Nouveau clin d’œil du destin, le lendemain de cette rencontre, j’écoute une chanson du groupe Bon entendeur que j’ai entendue tout l’été. Par pur hasard, j’écoute pour la première fois la version originale de la chanson « Le temps est bon ». Au point culminant qui n’a pas été gardé dans le remix, la chanteuse dit « Je ne savais plus voir, je ne savais plus entendre, je ne savais plus. Voici que je regarde, que j’écoute et je sais qui je suis, je sais qui je suis. »

J’ai rencontré la mère de mon donneur qui nous a également accueillies, ma sœur et moi, les bras ouverts. Elle a accepté de faire un test ADN, qui a confirmé qu’elle était notre grand-mère biologique et donc, son fils notre géniteur. Nous avons eu la chance de tomber sur des gens qui ont compris que ce que nous recherchions, c’était une part d’humanité. Une part d’humanité qu’on nous a niée : la possibilité d’en savoir plus sur ses origines génétiques, de choisir les composantes de son identité, biologiques ou non, de se sentir un humain comme les autres, et non un citoyen de seconde zone, qui devrait s’estimer heureux d’avoir vu le jour malgré la stérilité de l’un de ses parents. Et récupérer cette part d’humanité n’a en rien changé ma relation avec mon père, le vrai, celui avec lequel je ne partage aucun lien « de sang ».

Nous sommes beaucoup de personnes nées d’IAD à comparer nos situations à des puzzles. Il me manquait des pièces, maintenant je les ai toutes et je n’ai plus qu’à les assembler. J’ai l’impression d’être enfin à égalité avec les autres, ceux qui sont nés d’« un gros câlin », et de ne plus être lésée par un système défectueux, dont les instigateurs comparent grossièrement nos situations organisées par leurs soins aux aléas de la vie tels que les adultères. Je n’ai plus l’impression d’être dépossédée de mon identité. Je me la suis réappropriée, et ce, en dépit des lois en vigueur. Et je peux enfin dire que je sais qui je suis.

Un test ADN a bouleversé ma vie

Je m’appelle Delphine, j’ai 47 ans et j’ai appris il y a quelques mois que j’ai été conçue par don. Tout a commencé par un test ADN que ma sœur avait acheté pour découvrir ses origines ethniques. Il faut savoir que physiquement et moralement, nous ne nous ressemblons pas du tout et depuis toujours, les gens se sont toujours questionné sur nos différences.

Lorsque ma soeur a reçu ses résultats, elle me parle de demi-sœurs et demi-frères, je ne comprends pas et je lui réponds que c’est une société étrangère, qui utilise peut-être ce terme-là pour « cousins éloignés » ?? Bref, je ne me demande même pas si notre père était stérile. Ma mère m’a eue à 32 ans, ce qui était assez tard dans les années 70 et ma sœur est arrivée 3 ans plus tard.

Quand j’étais petite et en âge de poser des questions, j’ai demandé à mes parents pourquoi les parents de mes camarades étaient plus jeunes et ma mère me répondit qu’elle avait du mal à tomber enceinte, que les médecins lui avaient dit qu’elle n’aurait jamais d’enfants. Ma naissance en 72 était un vrai miracle. J’ai donc grandi ainsi, en pensant que ma mère était soi-disant stérile mais jamais je ne me serais doutée que le problème venait de mon père.

Entre-temps, ma sœur a appris la vérité par une demi-sœur, le choc… notre père était stérile, pas notre mère ! Dans la foulée, je commande un test sur MyHeritage, je découvre que ma sœur n’est que ma demi-soeur biologique car nous ne partageons que 27,2% d’ADN mais contrairement à elle, aucun demi-frère ou -sœur, rien… à part une correspondance ADN de 0,6%.

LIRE LA SUITE