Janvier 1984 : à la maternité de Nancy est née ma fille Annabelle.
Aude et Samuel ses aînés sont ravis. Un médecin, chef de service, est venu nous féliciter, la maman et moi. Il nous a fait part des besoins du CECOS, qui pouvait difficilement répondre aux demandes des couples confrontés à la stérilité, avec 2 ans d’attente. Il m’a proposé de devenir donneur de sperme. J’ai donc effectué une série de 5 dons, complétée en 1988 par une seconde série, le CECOS m’ayant recontacté en vue de faciliter la venue de « petits frères ou petites sœurs ». À cette époque, tout le monde considérait que l’anonymat était la seule règle envisageable, au même titre que le don du sang. J’ai considéré que mon rôle se limitait à apporter une « étincelle de vie » dans le processus de conception, ni plus ni moins.
20 ans plus tard, en 2008, j’ai appris par les médias et surtout grâce à l’association PMAnonyme que de nombreux enfants issus de dons, devenus adultes, étaient en quête de la personne ayant contribué à leur conception. Les motivations et problématiques diverses sont désormais connues et largement débattues. J’ai donc écrit au CECOS de Nancy pour informer que je suis tout à fait favorable à ce que mon identité soit dévoilée, et rédigé un courrier destiné à mon dossier. Aucune réponse, pas même un accusé de réception. J’ai donc récidivé en 2018 et cette fois, j’ai reçu un courrier très courtois me demandant des précisions. Mais il est évident que les CECOS sont tenus au respect de la loi de 1994.
J’ai donc effectué un test ADN auprès des principaux laboratoires américains (23andme, FamilyTreeDNA, AncestryDNA) et j’ai versé les données sur le site MyHeritage, très bien implanté en France. J’espère pouvoir ainsi répondre aux demandes légitimes des jeunes qui me recherchent. En général, les personnes qui recherchent leur géniteur ne considèrent pas ce dernier comme un père ou un second père. Ils l’envisagent tout simplement en tant qu’être humain qui a contribué à leur conception et leur a transmis un patrimoine génétique.
J’ai aidé des parents il y a plus de trente ans, et je pense qu’il est de mon devoir d’assumer la suite de ma démarche. Les jeunes nés de mes dons ne paieront pas ma maison de retraite et je n’ai aucun devoir de secours matériel à leur égard. Cependant, je serai là pour répondre à leurs questions, s’ils le veulent, quand ils le veulent. Il s’agit pour moi d’une dette morale.
Encore une précision : le CECOS n’a jamais cherché à savoir si j’étais encore en vie ou si j’avais développé une maladie grave susceptible d’avoir été transmise… C’est assez inquiétant ?.
Joseph, papy heureux de 7 petits-enfants