Alors pour discuter de mes résultats, et aussi pour comprendre si la loi allait changer un jour en France, j’ai rejoint l’association PMAnonyme. J’ai discuté, j’ai appris beaucoup de choses : que je n’étais pas seul dans cette quête de la recherche de soi, mais surtout qu’un match ADN aussi faible que 0.6% pouvait (avec beaucoup de chance) me mener à mon géniteur. J’ai donc demandé un peu d’aide… S’en est suivi une enquête génétique et généalogique passionnante de plusieurs jours, qui est passée par les archives d’Ellis Island, le nord de l’Europe et les fins fonds du web… De vraies montagnes russes émotionnelles. En moins de 48 heures, j’avais retrouvé mon arrière-grand-père paternel biologique. En moins de 72 heures, j’avais identifié mon grand-père paternel biologique. Un homme qui avait eu 3 fils. L’un d’eux ne pouvait être que mon géniteur…
J’étais si proche, et en même temps si loin. Comment l’identifier parmi ces 3 frères ? Et comment les contacter? Quels mots utiliser ? « Salut, tu as fait un don de sperme anonyme il y a 36 ans ; bah en fait, tu vois, il n’était pas si anonyme que ça » ? Du coup, j’ai préféré essayer de contacter leurs enfants, et j’ai commencé à chercher de potentiels demi-frères et sœurs grâce à leur patronyme. Et j’ai trouvé, tout simplement en surfant sur Facebook, un homme qui avait non seulement l’air d’avoir mon âge mais qui surtout me ressemblait beaucoup. Pour préserver son anonymat, appelons-le Nicolas. J’ai donc contacté Nicolas de manière très directe sur un réseau social professionnel : « Bonjour, je m’appelle Jean et je pense que nous avons le même grand-père biologique ». Autant vous dire que ce n’est pas le genre de message qui laisse indifférent mais aussi pas forcément le genre de message auquel on répond. J’ai eu beaucoup de chance… Il m’a répondu. On s’est appelés, je lui ai tout expliqué, et il a voulu vérifier. 3 mois plus tard, il recevait lui aussi les résultats de ses test ADN et mon meilleur match est soudainement passé de 0.6% à 30% (mon demi-frère biologique). Moi qui avais grandi fils unique, j’avais donc maintenant un demi-frère, mais aussi une demi-sœur biologique. Le week-end suivant, il en parlait à son père, à sa sœur et à sa mère lors d’une réunion de famille. Je ne vais pas vous cacher qu’ils ont tous été un peu surpris et qu’en dehors de Nicolas que j’avais déjà eu quelques fois au téléphone, ils ne souhaitaient malheureusement pas me rencontrer. Mais ce n’était pas très grave au final… Un peu décevant certes mais au moins je savais d’où je venais, j’avais un nom, une histoire, un métier, une lignée, des antécédents médicaux et surtout je savais qu’à 70 ans, mon géniteur avait toujours ses cheveux ! Quelques semaines plus tard, je rencontrais tout de même Nicolas pour la première fois… mais il n’était pas venu seul… Je rencontrais aussi mon géniteur, sa femme et ma demi-sœur. Passé le choc de l’annonce, ils avaient changé d’avis. Et non seulement ils avaient souhaité me rencontrer, mais en plus ils étaient venus avec des photos, des écrits, des histoires. Une famille adorable, unie. On est restés en contact et on compte se voir assez souvent. J’aimerais bien leur présenter mon fils. Les sentiments que j’ai ressentis à ce moment-là sont absolument indescriptibles. Je ne cherchais pas un père, je cherchais mes origines et je les ai trouvées. Mon père est mon père et cette évidence est devenue beaucoup plus facile à embrasser après cette découverte. J’ai un père, j’ai une mère, mais maintenant j’ai une histoire un petit peu plus complète, grâce à mon géniteur. J’ai été conçu et construit par 3 personnes et je veux les remercier. En tant qu’être humain, on a tendance à se fabriquer des cases dans lesquelles tout ranger, tout simplifier ; mais la vie n’est pas simple, c’est un gros bordel. Et pour des dizaines de milliers de personnes conçues par don, c’est beaucoup plus compliqué que ça : c’est… décalé. © Copyright 2018 – Sokol Photographe La vidéo de Jean au TEDxReims :