Je suis maman de 4 enfants issus d’une IAD.
Nous avions décidé d’être parents. J’avais 20 ans. J’imaginais cet enfant issu d’un beau couple….et cet enfant imaginaire il a fallu en faire le deuil. Il y avait deux solutions : l’adoption ou l’ insémination avec donneur. Mon mari a mal vécu l’annonce de son infertilité et à ce moment là ne voulait pas entendre parler d’IAD.
Enfin, 5 ans plus tard, d’un commun accord, nous avons débuté les I.A.D. Nous avons eu un petit garçon en 1983 à la 6ième tentative d’IAD. Notre second garçon est né en 1986 à l’issue de la 2ième tentative d’IAD. Nos jumeaux sont nés ensuite en 1990 à la première tentative.
En 1994, après 19 ans de mariage et un parcours difficile, mon mari est parti.
Nous avons divorcé. Mon plus grand bonheur était la naissance de mes enfants et construire une famille. Le jour où tout s’écroule vous avez envie de revenir à la case départ. Si pendant plusieurs années j’ai souffert et élevé seule mes enfants, je suis sereine à présent. Mon ex mari est en bons termes avec ses enfants. J’ai annoncé aux deux grands d’où ils venaient. Mon ex ne voulait pas, mais plus les enfants grandissaient et plus ce secret me pesait jusqu’à l’obsession et la dépression. La semaine dernière je l’ai appris aux jumeaux. Ma fille a pleuré. Elle a été choquée. Mon fils m’a dit « je suis moi » et même si tu m’avais appris que je suis un enfant adopté ça me serait égal. Par contre ils se demandent à quoi ressemble le donneur. Mon aîné avait 12 ans lorsque je lui ai annoncé son mode de conception. Il m’a dit: « le donneur c’est un con » … réaction à une souffrance ? Mon second fils a dit « mon père c’est mon père ».
Je souhaite de tout mon cœur que l’anonymat des donneurs soit levé. les psychothérapeutes parlent beaucoup de psychogénéalogie , du poids des secrets, des non dits pour les générations à venir. Je crois beaucoup à cela. Je suis infirmière et me suis formée. Mes enfants sont heureux aujourd’hui mais le seront ils toujours, amputés d’une partie de leurs racines biologiques ?
Je remercie tous les donneurs. Leur acte de générosité rend des couples et des enfants « presque » heureux car désirés. Dommage pour l’ombre au tableau…mensonges et hypocrisie faussent les relations familiales. Tant de souffrances pourraient être évitées….
Messieurs qui faites les lois, si vous vous mettiez à notre place ?
Au plus loin de mes souvenirs, j’ai parlé de la conception du premier enfant à ma sœur et mon frère. Je n’ai perçu aucune compassion . Mon frère en a eu pour mon ex– mari . Pour moi le sentiment de honte s’installait sournoisement. Ce sujet était tabou il fallait faire comme si notre famille était une famille normale.
Avec mon ex– mari nous n’en parlions pas . Et pourtant nous avons désiré un troisième enfant (et je me disais qu’un jour ils seront plusieurs à partager le secret ). Avec le traitement de stimulation ovarienne j’avais 3 follicules mûrs : à 1 mois de grossesse, j’ai fais une fausse couche et il me restait 2 embryons . J’ai accouché des jumeaux à terme. Mon garçon avait un nævus important sur le thorax, la sage femme a dit à mon ex: vous l’avez aussi? petit rappel qu’une tierce personne faisait partie de la famille. J’étais débordé par les tâches de toute mère au foyer et lorsque les bébés ont eu trois mois mon ex a commencé à « se déconnecter » de notre famille . Je me trouvais seule le plus souvent et très mal: ma culpabilité grandissait, d’autant qu’un soir il m’a regardé et dit « 4 comme ça ! ». …en hochant la tête. Pourquoi ai–je eu l’impression de devoir porter seule cette culpabilité ? Au point ( à un moment d’intense tristesse ) de vouloir en finir avec moi et avec ce que j’avais de plus cher au monde mes enfants: enfants nés avec une partie d’eux qu’il fallait nier.
Chaque maillon de la chaîne est responsable : parents, donneurs, C.E.C.O.S, législateur.
Chacun voit midi à sa porte et il est facile de décider avant la conception de l’enfant.
L’instinct de survie a toujours été le plus fort chez moi, j’ai consulté. Un médecin venait nous parler , tenter d’aider notre couple mais ce fut inutile. Des angoisses remontent pendant que je vous écris. Je ne pouvais pardonner à mon ex ses infidélités. Il fuyait.
Je peux expliquer cette culpabilité maintenant. Au C.E.C.O.S on m’a demandé qu’allez vous dire à votre enfant ? j’ai répondu il ne le saura pas, je ne veux pas le perturber, mon mari aussi, nous étions au diapason. Et les C.E.C.O.S savent camoufler les mensonges: couleur des yeux, cheveux, jusqu’au groupe sanguin identique au père. Les enfants ont grandi, moi j’ai repris mon travail d’infirmière. J’ étais mieux après le divorce. Seulement je me suis intéressée après une formation en alcoologie à la psychogénéalogie, au génogramme. J’ai dit à la formatrice ma préoccupation concernant les jumeaux qui ne savaient pas, elle m’a donné l’adresse d’un psychothérapeute je déprimais et lui, dédramatisait. Il me conseillait de le leur dire. Après quelques séances je lui expliquais l’impossibilité de le dire j’étais anxieuse et j’avais peur de leur réaction. Toujours » ce poids » d’avoir mal agi. C’était en 2005. Les conséquences auraient pu être dramatiques pour moi, obsédée par cela. J’ai voulu oublier. Hospitalisée j’ai pu enfin parler sans être jugée ,comprise enfin! je suis toujours en soins car devenue vulnérable. Maintenant les jumeaux savent , je crois que le moment était venu, et que surtout j’étais prête.
Je pense que chaque couple doit mûrir sa décision avec l’aide de psychologues , être mieux averti des conséquences pour les enfants qui ressentent les angoisses des parents, leur mal–être, leur famille différente….
Pour conclure et en revenir au côté humain , il y a le donneur, le père ,la mère chacun avec son individualité, son vécu et l’enfant qui naît, qui grandit devient adolescent, adulte qui demande » des comptes ». Comment pourrions nous tous faire la sourde oreille? Moi je ne le peux pas et j’ai encore un combat à mener pour être en paix avec moi même et vraiment bien avec mes enfants : Je veux qu’ils puissent connaître leurs origines s’ils le souhaitent. Rien n’est irrémédiable , enfin je l’espère.