Témoignages de personnes conçues par don

Sophie née en nov 79

J’ai une histoire assez particulière, étant doublement un « pur produit de la médecine » s’il est permis d’utiliser cette expression. Je suis une ex–grande prématurée, née à 6 mois et demi à peine de terme, élevée en couveuse. Par chance, je n’ai aucune séquelle et ma scolarité s’est très bien déroulée. Pendant l’adolescence, j’ai commencé à avoir un vrai « problème » avec mon père –que j’adorais toute petite– et il m’est souvent arrivé de lui lancer un peu brutalement : « T’es pas mon père ! » lors de disputes qui ont jalonné mon adolescence… A 18 ans, coup de tonnerre : lors d’une de ces disputes assez habituelles –j’ai fait une vraie crise d’adolescence– ma mère nous dit que mon frère et moi ne sommes pas les enfants de celui qu’on a toujours cru être génétiquement notre père… Nous avons dormi dans la même chambre, cette nuit–là, mon frère et moi, et c’était vraiment très particulier comme sensation… Depuis tout s’est apaisé avec notre père mais c’est un sujet qu’on ne peut évoquer qu’avec notre mère… Elle nous a expliqué qu’elle avait voulu tout dire avant mais que ce n’était pas possible car mon père ne voulait pas, avait sa « fierté », ce qui peut se comprendre– surtout dans un petit village à la campagne… Je regrette pour ma part ce silence car j’ai maintenant beaucoup de mal à faire confiance aux gens… De plus, je n’aime pas le fait d’être pour moitié un point d’interrogation : certaines traits physiques (et de caractère ?) ne sont de toute évidence pas hérités de ma mère… Une simple photo et quelques infos (métier ?) suffirait peut–être à mieux sentir d’où je viens… Mon frère est quelqu’un qui parle très peu mais il m’a demandé une fois si nous étions bien frère et soeur. Je fais confiance à ma mère là–dessus mais je n’ai aucune certitude. Je trouve que c’est des choses qu’on devrait savoir, sans avoir à demander… C’est pourquoi je pense qu’on devrait avoir accès à un dossier minimal. J’ai bien un père mais je ne sais, et ne saurai jamais vraiment d’où je viens…

Laetitia

à Arthur (pendant sa grève de la faim fev 11)
De ma petite Belgique, j’observe ton combat depuis un certain temps déjà.
Je suis née à Liège, le 11 décembre 1985 grâce à deux parents très désireux d’avoir un enfant et probablement très courageux malgré le manque d’accompagnement psychologique mis à leur disposition pour faire face à la stérilité.
Ils vivaient une détresse face à leur désir d’enfant qui tardait à se concrétiser et ont rencontré un médecin du CPMA de Liège leur proposant une solution.
Plus précisément, une équipe de médecins, biologistes, infirmières et techniciens développent et proposent des traitements pour faire face à l’infertilité. Le traitement le plus adéquat concernant mes parents : l’insémination artificielle avec donneur anonyme.

A partir de là, mon parcours ressemble fort au tien. Avant ma naissance déjà, me voilà présentée comme un traitement.

Quelle responsabilité !

Mais quelle responsabilité?

Celle de permettre au couple de mes parents de s’investir dans la construction d’une famille correspondant aux normes de conformité de la société?

Celle d’être le traitement du couple de mes parents… le thérapeute alors?

Celle de respecter ce qui a été décidé lors de ma conception, lors de la sélection d’un donneur ressemblant à mon père (yeux, cheveux, taille, poids, groupe sanguin, etc.)… de faire « comme si »?
Celle de grandir et de vivre épanouie, heureuse d’être née sans jamais avoir envie d’aller voir ce qu’il se cache dans ce coffre–fort… car si cette envie survenait, le traitement serait–il toujours efficace? Serais–je toujours bien cette enfant désirée et conçue dans tellement d’amour?

Questions, angoisse, colères, non–dits ont fait partie de ma vie…
Cela me traverse très souvent l’esprit.

Et pourtant, si tout l’humour de la destinée humaine fait qu’aujourd’hui je deviens thérapeute de profession, je suis la thérapeute que j’ai choisi! Je me suis formée dans cette direction, je ne suis plus victime d’un rôle mais je fais le voeux d’être actrice de changements! En tant que femme de cette vie, je place mon rôle autour de l’humain, dans toute sa globalité et j’aime ce que je fais.

Ma pierre à l’édifice : communiquer à mon entourage !
Déconstruire ces idées préconçues et déprogrammer les peurs ou blocages enfuis en chacun afin de pouvoir aborder le sujet complexe du don de sperme (entre autres) de manière nouvelle, dans un échange riche en partage et neutre puisque moi–même, je n’ai pas de réponse évidente à donner face à toute cette complexité…
A ce propos, la vie n’a pas attendu l’homme pour se propager… elle ne s’arrêtera pas non plus avec lui…

Je suis disponible en Belgique pour tout enfant IAD éprouvant le besoin de partager son vécu … .

Vincent 30 ans

vincentbres
Mes parents ont essayé d’avoir un enfant pendant plusieurs années. Ma mère fit alors de nombreux traitements médicaux et finalement mon père a été déclaré stérile par un éminent professeur des Bouches du Rhône.

J’ai été conçu à la seconde IAD de ma mère et suis né début 1979. A cette époque le CECOS a carrément conseillé à mes parents de taire mon origine s’ils ne s’en sentaient pas le cœur de me l’avouer. Et c’est ainsi que je suis né avec ce secret vite enterré par mes parents et mes grands parents.

Mes parents ont sombré dans la dépression et se sont isolés.
Les deux premières années de ma vie ont été un têtes à tête avec une mère angoissée cherchant (selon elle)à devenir enfin un femme grâce à moi. Je me serais réveillé toutes les nuits jusqu’à l’age de 2 ans. Mon père quant à lui s’est enfoncé dans le travail et dormait énormément le week end. Tous deux étaient en dépression.

Ma soeur est née 2 ans plus tard. Ironie de l’histoire, elle est génétiquement de mon père : ma mère est formelle elle ne s’est pas faite inséminée pour elle. Je le précise car ça se gâte après.

Mes parents se séparent l’année suivante. Cette séparation fige le secret.

J’ai de bons souvenirs d’enfance avec mon père qui nous gardait le week end. Je me rappelle d’une enfance simple avec lui sans émotions excessives.
Ma mère a par la suite de nombreuses aventures.
Mon père et ma mère se remarie durablement vers mes 10 ans. Et mon père a un « 3ème » enfant avec sa nouvelle femme. Surprise pour lui ! Il se croyait stérile et pensait que ma sœur avait été conçu certes hors IAD mais avec l’aide plus « traditionnelle » d’un autre homme… Cela met en lumière l’absence de communication de mes parents.

Enfant puis adolescent, je suis à la recherche de père d’adoption au sens symbolique du terme : mon grand père, mon prof de judo, mon chef scout, etc…

Je fais ma 1ère dépression à l’age de 20 ans. Accablé d’angoisse, je demande de l’aide à mon père. « Courage » me dit il et s’en va. Rongé par le secret il est incapable de faire face à ma douleur.

Je fais ma 2ème dépression peu avant la naissance de ma fille. Je me sens alors incapable d’être père. Ma mère et mon père, plus de 20 ans après leur séparation, passent de nombreuses heures au téléphone assez régulièrement à ce sujet.

A la naissance de mon fils, je dis souvent à ma femme qu’il ne peut pas être mon fils mais que je l’accepte complétement. Cela créé des tensions et je ne m’explique pas ce « fantasme ». Elle me propose des tests de paternité.

L’année dernière, lors du commencement de ma 3ème dépression, ma mère m’avoue enfin mon origine. Le choc est immense et je ne le réalise que depuis 1 mois. Sur le papier ma vie est formidable, mais ce secret m’a énormément fragilisé.
Je me rapproche de ma sœur qui sait qu’elle est génétiquement la fille de mon père (elle a la même maladie rare que lui). Elle m’avoue qu’elle s’est faite quasiment violée à l’age de 13 ans par le même médecin qui avait déclaré mon père stérile.

Je me suis rapproché de ma mère après de longues années de conflits.
Par contre avec mon père avec qui j’avais de bon rapports quoique un peu « en retenue » mutuelle, quelque chose s’est brisé et j’ai un mal profond à lui parler. Je sens sa douleur et craint son rejet.

Je sort d’une forte dépression de plusieurs mois. La blessure est vive mais je revis dans une nouvelle vie et dans un nouveau boulot avec ma famille très proche autour de moi. Ma fille de 6 ans me demande parfois si j’ai souffert enfant « du secret ». En tout cas j’y travaille à vivre avec !

Ninon

Ninon
J’ai appris il y a de cela 21 jours que j’étais non pas un simple bébé éprouvette comme on me l’avait toujours dit, mais un bébé PMA.

Mon père m’a dit que si je voulais des renseignements sur le donneur, je pouvais, du moins il m’en donnait le droit. Quant à moi, ma première réaction a été de lui assurer que je ne voulais rien savoir et que j’étais comblée avec lui.

Or le lendemain et les jours suivants s’est installé en moi le désir et presque le besoin de connaître cette personne.

Je me suis rendue compte que si je me cherchais sans m’être encore trouvée, que si je souffrais de crises d’hypocondrie depuis quelques années c’était peut être parce qu’au fond de moi je sentais qu’il y avait un vide.

Une chose me révolte dans cette interdiction qui nous est faite : je peux comprendre que certaines personnes, que certains donneurs, ne veuillent pas que l’on s’introduise dans leur vie privée. Même si je considère cela comme irresponsable de leur part que de ne pas assumer la vie qu’ils ont contribué à créer, je trouve d’autant plus aberrant le fait que la politique de notre pays empêche des dizaines de demi–frères et demi–sœurs de se retrouver.

Il est étrange que les témoignages en parlent très peu, et peut être que c’est l’enfant unique qui parle ici, mais la première étape dans la levée de l’anonymat serait pour moi d’autoriser ces enfants à savoir qu’ils ont une filiation, qu’ils sont étroitement liés.

Pour rassurer nos opposants on pourrait leur affirmer que  » ces enfants entre eux, n’auront pas l’intention de mendier des héritages ou de souhaiter s’introduire dans une vie familiale déjà établie « .

Nous pourrions peut être ainsi se trouver, partager des penchants communs, comprendre ce qui est véritablement naturel (j’entends par là génétique) en nous, bref, nous pourrions nous aider à nous construire mutuellement.

Un dernier point est choquant et problématique dans cette politique Française. De nombreux pays, et notamment des pays Européens, ont déjà renoncé à l’anonymat du don de gamètes. On en vient à se demander l’intérêt d’une Europe si divisée où des pays semblent se narguer de leur évolution respective et où les Français sont honteux de voir que leur pays respecte si peu les droits fondamentaux humains.

Car certes, l’anonymat de la PMA touche les enfants nés sous X mais qu’en sera t–il quand ces enfants mettront eux même au monde des enfants ? N’est ce pas là perpétuer un manque, laisser s’agrandir un trou béant qui réside malgré eux dans la personnalité de ces futurs parents ? Les décisions purement théoriques que ces êtres humains prennent à notre place n’ont vraisemblablement pas le privilège de pouvoir comprendre la réalité de ces vies qu’ils ont contribué à créer. Il y a encore tellement de choses à dire, et tellement de choses à rétorquer à nos opposants qui semblent mener un combat de plus en plus stérile, un combat qui s’assèche au fur et à mesure que leurs arguments prennent un visage borné, intraitable et parfois provocateur.

Mais pour finir sur une touche littéraire, il est possible que certains d’entre nous se sentent liés à la Marianne de Marivaux qui souffre d’un véritable trouble identitaire car sa famille est morte, elle ne peut se revendiquer d’aucune lignée, elle n’a aucune certitude fondamentale et ne peut faire que des hypothèses sur sa nature profonde de sorte qu’elle est une véritable girouette trimbalée d’histoires en histoires.
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Quoique puisse en dire la biologie, l’intuition première de l’Homme est de constater qu’il a une lignée et une hérédité génétique qui lui est nécessaire pour fonder son identité

Camille née en 1992

pineau camille
Il y a 3 mois et 5 jours je ne savais pas ce que voulait dire IAD. Le mot « donneur » ne m’évoquait rien. Et je pensais ressembler à mon père.
Le 30 mai, alors que j’étais hospitalisee, j’ai reçu une lettre avec une partie ecrite par ma mère et l’autre par mon père. Il m’ont envoyé une lettre car j’étais sur Paris et eux habitent loin.Je me souviens…l’infirmière est entrée en me disant « Camille, vous avez reçu une lettre, elle contient des choses très importantes, je vais rester avec vous pendant que vous la lisez ». J’ai pas pu la lire jusqu’au bout. C’est l’infirmière qui m’a aidée à prendre conscience de la nouvelle et m’a lu le reste de la lettre.
Une de mes premières pensées a été « je veux rencontrer le donneur ». Naïve, je m’imaginais que ça marchait comme dans les films américains. Sauf qu’on est pas aux USA. Et sauf qu’en France on ne peut pas rencontrer son père biologique. On m’a vite remise a ma place: tu ne connaitras jamais rien de cet homme, et c’est mieux comme ça.
Mon père reste mon père. Dès les premiers jours je l’ai intégré. C’est lui qui m’a élevée et m’a aimée. Et puis « la génétique c’est moins fort que l’amour »….je suis d’accord. Sauf quand je me regarde dans la glace et que mon visage me brule tellement je ne me reconnais plus en mes parents. Sauf quand j’arrive pas a avancer en m’disant que la moitié de ma personne vient d’un inconnu. Sauf quand je ressens ce vide, comme un trou béant qu’ont laissé des questions en suspend : qui est il? A quoi ressemble–t–il? Est ce que je lui ressemble ? Est ce qu’il a oublié son don? Est ce qu’il s’en fout ? Et les autres enfants ? Savent ils ? Sont ils heureux ? QUI SONT TOUS CES GENS ?
Je ne recherche pas un père –je l’ai déja et il me comble d’amour– je recherche des réponses à toutes ces questions.