Mesdames et Messieurs les membres de la Commission spéciale chargée de l’étude du projet de loi relatif à la bioéthique, nous vous écrivons au nom des personnes conçues par PMA avec tiers donneur.
Nous saluons une nouvelle fois le projet de loi actuel en ce qu’il permet et organise l’accès aux origines que nous réclamons depuis si longtemps. En revanche, un aspect primordial de la conception avec tiers donneur est totalement éludé par le projet actuel : il s’agit des secrets de famille. Comment exercer son droit d’accès aux origines si on ne sait pas qu’on est issu d’un don de gamètes ? C’est évidemment impossible.
Nous, les personnes issues de PMA avec tiers donneurs réalisées dans les années 1970, 1980 et 1990, nous sommes devenus adultes et nous pouvons témoigner. Nous connaissons mieux que personne les conséquences délétères vécues lorsqu’on est maintenu pendant de nombreuses années dans l’ignorance au sujet du fait que notre père n’est pas notre géniteur. Oui, nous avons souffert du secret, chacun à notre manière : sentiment de ne pas être à sa place ou d’être un imposteur, comportements inexpliqués tels qu’une phobie des médecins, dépressions.
Nous pouvons témoigner aussi des conséquences de ce secret sur nos parents, que nous avons vu souffrir à cause de la honte et du silence.
Nous ne voulons plus que d’autres famille aient à subir la même peine. Certains voudraient faire croire que l’ère du secret n’est plus, et que tous les parents disent désormais la vérité à leur enfant. Il suffit de lire les commentaires des parents sur pages facebook relative à l’infertilité pour se rendre compte que c’est très loin d’être le cas. Nous ne leur jetons pas la pierre : Dire la vérité dans une société qui perçoit la stérilité comme une honte est douloureux ; en outre les parents ne bénéficient d’aucun accompagnement après la naissance de leur enfant.
L’Etat organise la PMA avec tiers donneur ; c’est donc à l’Etat de garantir un droit d’information aux personnes ainsi conçues. Nous demandons que la loi de bioéthique mette en place des mesures efficaces destinées d’une part à garantir que les personnes conçues par don soient informées de la façon dont elles ont été conçues, et d’autre part à amener à ce que le recours au don de gamètes ne soit plus considéré comme une honte, quelque-chose que l’on devrait à tout prix cacher.
Le projet de loi actuel prévoit que la mention d’une déclaration anticipée de volonté sera retranscrite sur l’état-civil des personnes conçues par don, mais uniquement pour les personnes nées d’un couple homosexuel. Ce sont pourtant les seules personnes qui ne risquent pas de subir de secret de famille en la matière. C’est pour nous une aberration. Et, au nom des personnes conçues par don, nous affirmons que cela constitue une discrimination insupportable entre les personnes conçues par don dont les parents sont hétérosexuels et celles dont les parents sont homosexuels.
Nous demandons donc que la DAV soit étendue à tous les parents ayant recours au don de gamètes afin de garantir le droit de leurs enfants à une information sur leur mode de conception. Nul doute que l’immense majorité des parents fera en sorte d’informer les enfants avant que ceux-ci n’atteignent leur majorité afin d’éviter que leur enfant ne découvre cette information de la sorte. La mention sur l’acte de naissance servira alors de filet de sécurité.
Nous sommes fiers d’êtres nés par don, c’est pourquoi nous ne nous sentirons pas stigmatisés si cette information figure dans l’état-civil. Nous voulons juste avoir le droit de connaître la vérité. Étendons la DAV à tous pour un accès aux origines pour tous.