Notre président Vincent Brès était auditionné aujourd’hui par la commission de révision des lois de bioéthique de l’Assemblée Nationale.
Verbatim :
Monsieur le président, Monsieur le Rapporteur, Mesdames et messieurs les députées
Mon propos aujourd’hui n’est pas de vous convaincre de la légitimité de la reconnaissance du droit d’accès aux origines. Parce que je crois que la plupart d’entre vous n’a pas à l’être et surtout parce que son heure en France est enfin venue.
En effet, le quotidien La Croix titrait en une vendredi 5 octobre “L’anonymat du don bientôt levé ?” et sur les réseaux sociaux “Comment cette idée s’est imposée”. Le 25 septembre dernier, le Conseil Consultatif National d’Ethique rendait son avis n°129 en proposant pour la première fois que « soit rendue possible la levée de l’anonymat des futurs donneurs de sperme ». Et au delà c’est la société française qui, suivant le concert des nations occidentale l’ayant déjà reconnu, est favorable majoritairement à cet accès aux origines : dans une sondage en ligne du Figaro le 19 février, 56% des 22 142 votant répondaient positivement à la question “Faut-il lever l’anonymat des donneurs pour permettre aux enfants de connaître leurs origines ?”.
Et je ne résiste pas à citer la remarquable intervention du défenseur des droits, M. Jacques Toubon, ici même devant vous le 9 octobre, qui préconise que “au moment du don le donneur accepterait que ses informations soient données et au moment ou l’enfant deviendrait majeur il y aurait une sorte de rencontre de volonté entre ce donneur qui a consenti avant le don et cet enfant qui à ce moment là réclame l’accès à ses origines”.
Non, mon propos aujourd’hui est de rassurer tout en faisant appel à votre vigilance. Mon propos c’est aussi le message de très nombreuses personnes nées de don, près de 150, de donneurs, de parents qui rejoignent notre association.
Rassurer tout d’abord sur un point qu’il faut systématiquement rappeler et qui est souvent la source d’un quiproquo inconscient : le droit d’accès aux origines n’est pas une remise en cause de quelque manière que ce soit de la filiation. Pas une seule des femmes et des hommes de l’association n’a jamais remis en cause sa filiation et au delà, l’amour qu’il porte à ceux qui les ont désirés, aimés et éduqués.
Rassurer aussi sur le fait que cette démarche n’est rien d’autre qu’une démarche personnelle, intime et qui ne vise qu’à mieux se connaître soi même dans tout ce qui fait notre individualité.
Je parlerai toujours plus facilement de reconnaissance du droit d’accès aux origines et non pas de levée de l’anonymat. D’abord parce que la demande de mon association n’est pas de mettre fin à ce système qui a une vraie fonction psychologique et organisationnelle pour l’AMP avec don, mais de permettre plutôt une dérogation à ce principe d’anonymat, à la majorité de la personne née de don et seulement, si elle le souhaite.
Comme vous pouvez le voir dans le dossier qui accompagne mon intervention l’association PMAnonyme a émis 8 propositions pour la mise en oeuvre de l’accès aux origines. Elles s’appuient fortement sur le retour d’expérience des pays qui le reconnaissent parfois depuis des décennies. Elles traitent de la révélation de l’identité du donneur mais également des données médicales, de l’accès à l’information non identifiante et des mises en relations notamment entre personnes nées d’un même don.
Mais je voudrais surtout vous alerter sur deux points qu’il convient de clarifier notamment après la publication de l’avis du CCNE : la prise en compte des 70 000 personnes déjà nées de don et le double guichet.
La loi que vous ferez n’aura pas, bien évidemment nous en avons conscience, d’effets rétroactifs. Je souhaite que les enfants à naître par don de gamète n’aient pas, comme nous, à affronter le mur indépassable de l’anonymat absolu et irréversible de leur donneur. Mais pour eux je reste confiant et veux croire que ce droit d’accès à leur origines, ils n’aient rien d’autre qu’à choisir de l’exercer ou pas.
Je pense donc maintenant à ceux qui, comme moi, sont déjà nés d’un donneur à qui on a promis l’anonymat. Et je vous dis : ne nous oubliez pas. Ne nous oubliez pas parce que nous ne demandons pour nous même qu’une simple mesure : le droit de demander, à travers une structure dédiée et mise en place par l’Etat, à notre donneur s’il accepterait de nous en dire plus sur lui. Ne nous oubliez pas non plus parce que de très nombreuses personnes nées de don n’attendent pas qu’on s’occupent d’elles et réalisent des tests génétiques récréationnels. Certaines d’entres elles retrouvent leur donneur, des demi-frères et soeurs et sont totalement livrés à elles même ! J’en appelle à la responsabilité de l’Etat de ne pas les laisser être contraintes à ce dernier recours que sont les tests ADN et se retrouver face à des situations compliquées pour les familles, sans préparation et sans accompagnement.
Enfin je voudrais attirer votre attention sur le risque d’une mise en place bancale que constituerait le double guichet ; à savoir la possibilité laissée au donneur de choisir s’il veut rester anonyme ou pas au moment du don ou pire au moment de la demande par une personne née de don d’exercer son droit. C’est l’un des système que présente, dans son avis du 11 juillet, le Conseil d’Etat qui au passage a reconnu lui aussi la nécessité de répondre à la reconnaissance du droit d’accès aux origines. Notons d’ailleurs que les seuls pays, lorsque l’accès aux origines était possible, à l’avoir permis sont les Etat-Unis et le Danemark et ce pour des raisons purement mercantiles.
Pourquoi ce système je vous enjoins à le rejeter ? Tout d’abord parce qu’il est fondamentalement injuste et renvoie encore une fois la personnes nées de don – parfois il y a plus de 40 ans – à un statut d’enfant, littéralement d’infans, “celui qui ne sait pas encore parler” et donc à qui l’on dénie de décider pour lui même. Créateur d’une rupture d’égalité insupportable pour les personnes nées de don, ce système est une contradiction en lui-même : si le droit d’accès aux origines est un principe alors il ne saurait être subordonné à un choix personnel du donneur. Mais surtout je vous demande de le rejeter car pas plus qu’aujourd’hui il ne protège les donneurs de la réalité technique d’aujourd’hui et leur promettre l’anonymat à l’heure où de par le monde et maintenant en France, ils sont retrouvés via des tests ADN est une hypocrisie.
J’en termine sur ce point en rappelant que dans son avis n°90, le CCNE s’était prononcé en défaveur du double guichet rappelant que cela constituerait une discrimination entre les enfants nés de don. Ce serait également un déséquilibre injuste et éthiquement injustifié entre les aspirations des parents et des donneurs d’une part et des enfants de l’autre.
J’en termine avec cette citation de Victor Hugo : “Une idée n’est jamais aussi forte que quand son heure est venue”.
Le droit d’accès aux origines est un droit simple, protecteur et qui n’enlève rien à personne : ni à ceux qui donnent généreusement et en responsabilité, rendu à leur statut de générosité assumée, ni à ceux qui feront le choix de ne pas l’exercer.
Merci de m’avoir écouté.
Vincent BRES – Président de l’association PMAnonyme – 17 novembre 2018
Une réflexion sur « Audition à l’assemblée nationale »
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