Vincent 30 ans

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Mes parents ont essayé d’avoir un enfant pendant plusieurs années. Ma mère fit alors de nombreux traitements médicaux et finalement mon père a été déclaré stérile par un éminent professeur des Bouches du Rhône.

J’ai été conçu à la seconde IAD de ma mère et suis né début 1979. A cette époque le CECOS a carrément conseillé à mes parents de taire mon origine s’ils ne s’en sentaient pas le cœur de me l’avouer. Et c’est ainsi que je suis né avec ce secret vite enterré par mes parents et mes grands parents.

Mes parents ont sombré dans la dépression et se sont isolés.
Les deux premières années de ma vie ont été un têtes à tête avec une mère angoissée cherchant (selon elle)à devenir enfin un femme grâce à moi. Je me serais réveillé toutes les nuits jusqu’à l’age de 2 ans. Mon père quant à lui s’est enfoncé dans le travail et dormait énormément le week end. Tous deux étaient en dépression.

Ma soeur est née 2 ans plus tard. Ironie de l’histoire, elle est génétiquement de mon père : ma mère est formelle elle ne s’est pas faite inséminée pour elle. Je le précise car ça se gâte après.

Mes parents se séparent l’année suivante. Cette séparation fige le secret.

J’ai de bons souvenirs d’enfance avec mon père qui nous gardait le week end. Je me rappelle d’une enfance simple avec lui sans émotions excessives.
Ma mère a par la suite de nombreuses aventures.
Mon père et ma mère se remarie durablement vers mes 10 ans. Et mon père a un « 3ème » enfant avec sa nouvelle femme. Surprise pour lui ! Il se croyait stérile et pensait que ma sœur avait été conçu certes hors IAD mais avec l’aide plus « traditionnelle » d’un autre homme… Cela met en lumière l’absence de communication de mes parents.

Enfant puis adolescent, je suis à la recherche de père d’adoption au sens symbolique du terme : mon grand père, mon prof de judo, mon chef scout, etc…

Je fais ma 1ère dépression à l’age de 20 ans. Accablé d’angoisse, je demande de l’aide à mon père. « Courage » me dit il et s’en va. Rongé par le secret il est incapable de faire face à ma douleur.

Je fais ma 2ème dépression peu avant la naissance de ma fille. Je me sens alors incapable d’être père. Ma mère et mon père, plus de 20 ans après leur séparation, passent de nombreuses heures au téléphone assez régulièrement à ce sujet.

A la naissance de mon fils, je dis souvent à ma femme qu’il ne peut pas être mon fils mais que je l’accepte complétement. Cela créé des tensions et je ne m’explique pas ce « fantasme ». Elle me propose des tests de paternité.

L’année dernière, lors du commencement de ma 3ème dépression, ma mère m’avoue enfin mon origine. Le choc est immense et je ne le réalise que depuis 1 mois. Sur le papier ma vie est formidable, mais ce secret m’a énormément fragilisé.
Je me rapproche de ma sœur qui sait qu’elle est génétiquement la fille de mon père (elle a la même maladie rare que lui). Elle m’avoue qu’elle s’est faite quasiment violée à l’age de 13 ans par le même médecin qui avait déclaré mon père stérile.

Je me suis rapproché de ma mère après de longues années de conflits.
Par contre avec mon père avec qui j’avais de bon rapports quoique un peu « en retenue » mutuelle, quelque chose s’est brisé et j’ai un mal profond à lui parler. Je sens sa douleur et craint son rejet.

Je sort d’une forte dépression de plusieurs mois. La blessure est vive mais je revis dans une nouvelle vie et dans un nouveau boulot avec ma famille très proche autour de moi. Ma fille de 6 ans me demande parfois si j’ai souffert enfant « du secret ». En tout cas j’y travaille à vivre avec !