D., 36 ans : un test ADN ?! Oui, je l’ai fait.

J’avais environ vingt ans quand je l’ai su : moi, oui moi, je ne venais pas uniquement de mon père, mais aussi d’un autre homme, qui a aidé mon père. Il faut beaucoup de mots, de phrases et de temps pour décrire ma peine et ma perte après cette nouvelle. Il a fallu beaucoup de temps et d’évènements aussi pour réussir à admettre et continuer, puis me reconstruire ensuite.

J’étais perdue, détruite, mais surtout en rage : cet anonymat écrasant, cette loi méprisante, ces mœurs fébriles, les idées préconçues de tous ceux qui n’ont aucune idée réelle de ce que c’est, en vrai, d’être à ma place, qui n’ont jamais recueilli de témoignage des premiers concernés, c’est-à-dire ceux qui en sont nés, mais qui se permettent de parler à tout va. La toute puissance des médecins et des responsables politiques, la honte palpable, la crainte de blesser mes parents et ma colère envers eux aussi, je ne savais pas comment ni quoi faire de tout ça.

Et qui étais-je, en fait ?!

J’ai tenté de consulter un psychologue mais n’y ai trouvé aucun soulagement, c’est un domaine trop particulier et trop méconnu encore, pour le moment, rares sont ceux qui peuvent écouter et comprendre ce genre de parcours.

Les années ont passé, mes diverses tentatives d’auto-sauvetage restaient vaines, jusqu’à ce que je tombe sur une émission télévisée présentant l’association PMAnonyme. Il y avait d’autres personnes, comme moi, qui vivaient le même tourment intérieur, ô joie, douce première joie, je les ai rejoints pour partager et purger tous mes émois…

Chemin faisant, j’ai appris qu’il était possible de faire un test génétique, comme ça : on va sur Internet, on commande, on reçoit un kit, on crache dedans, on referme le tube et la boîte et hop, direction la poste pour apprendre environ 2 mois après quelques informations sur nous-mêmes, ou même découvrir un.e demi-frère.soeur ou même pourquoi pas, l’identité de mon ascendant paternel. Oui bon, ça, c’est dans les films, mais bon, si je suis logique : je veux chercher et aucune méthode légale ne me le permet, alors pourquoi pas, même si j’ai l’impression d’aller un peu trop loin dans le fantasme et de flirter avec la limite entre film et réalité… Eh bien bingo : une demi-sœur, on a trois mois d’écart et elle habite à côté de chez moi, quel choc de se reconnaître dans quelqu’un !!!!!!!!!

Une année passe et un samedi matin, nous voyons apparaître un « match » en commun, côté donneur donc, un très beau match : d’après le site, nous avons sûrement un couple d’arrière-grands-parents en commun, nous sommes proches de nos véritables origines. Après des jours de recherches, nous sommes parvenues à l’identifier, nous avons tenté plusieurs approches et avons réussi à le contacter.

Je ne trouve toujours pas les mots pour décrire cette tension intérieure, cette joie immense, cette crainte immense, cette détresse, cette honte et tout le self-control qu’on peut tenter de fournir parce que la vie continue, parce que rien n’est encore sûr et parce qu’il est possible de devoir essuyer encore un imprévu dévastateur, c’est hors du temps, on flotte au-dessus de tout et de tout le monde.

Nous avons reçu un message, puis le lendemain, il nous a appelées. Il était heureux ! Entrer son identité dans mon répertoire a été un moment de ma vie particulièrement délicieux, une véritable euphorie ! Il a voulu venir nous rencontrer dès que possible et nous nous sommes vus tous les trois deux semaines après.

A son tour il a souhaité réaliser un test génétique, comme pour profiter encore de cette bonne nouvelle, ce qu’il a fait le lendemain de notre rencontre car il m’en avait fait la demande par téléphone et je lui ai apporté le kit le jour de notre rencontre. Ma demi-sœur et moi partageons avec lui le même pourcentage d’ADN en commun : 49.3%, aucun doute, comme quoi, pour moins de cent euros, on peut changer notre vie.

Depuis, tout est comme avant et rien n’est comme avant, chacun respecte sa place, chacun respecte les autres, chacun vit sa vie en sachant qui sont les autres, et qu’ils sont là.