Conçu au CECOS de Rennes en 1991 grâce à un donneur porteur d’une mutation BRCA1

J’ai été conçu au Cecos de Rennes en 1991, et ai appris récemment que mon géniteur m’a transmis sans le savoir une mutation génétique favorisant les risques de cancer (BRCA1).

J’ai toujours connu mon mode de conception. Je parle librement de la PMA avec mon entourage, souvent de manière légère ou taquine. Il faut reconnaître que le don de gamètes est un terreau fertile pour les blagues douteuses. L’identité de mon géniteur est une question distincte, dont l’idée même demeure diffuse jusqu’au début de mes études de droit. Je suis persuadé adolescent que je ressemble beaucoup au donneur, puisque je ne me reconnais pas vraiment dans ma famille. Impossible de pousser plus loin la réflexion puisque l’anonymat du don s’impose, et s’imposera jusqu’à ma mort. C’est au détour d’un cours de droit des personnes que j’ai découvert les zones d’ombres de ma conception. La première loi encadrant la PMA avec tiers donneur date de 1994, 3 ans après ma naissance !

Ce vide juridique ne signifie pas que les abus sont systématiques avant 1994, simplement qu’ils existent. La PMA étant encadrée et contrôlée par les médecins eux-mêmes, comment savoir si la limite éthique de 10 enfants par donneur, fixée 3 ans plus tard, est déjà respectée ? Comment savoir si mon géniteur est en bonne santé ? Et même s’il est en pleine forme au moment du don, que se passe-t-il si une maladie génétique s’exprime après plusieurs décennies ? Ces interrogations impersonnelles sont alimentées par un sentiment d’injustice, cette impression dérangeante qu’un élément fondamental de mon identité m’a été retiré avant même ma naissance. L’État a formé des médecins, offert des locaux qui ont permis ma conception. L’acte est remboursé par la Sécurité Sociale. Pourtant l’État me dissimule la réalité de ma propre conception et m’impose un anonymat auquel je n’ai jamais consenti. Ce secret peut sembler justifié pour protéger un enfant voire un adolescent, même si c’est déjà abusif. Il est incompréhensible lorsque la personne conçue devient un adulte, un père, un citoyen disposant du droit de voter et du devoir de payer ses impôts.

Il y a quelques années j’ai compris qu’il est possible de reprendre le contrôle, de jouer un rôle actif. Les tests ADN me permettent désormais d’identifier mon géniteur. Plus de deux ans de recherches ont été nécessaires, mais ça valait le coup à tous points de vue.

J’ai découvert un géniteur très sympathique et ravi de ma recherche : « Tu as bien fait de me trouver ». Il m’a informé être porteur d’une mutation génétique favorisant l’apparition de cancers précoces. Le gène en question a été découvert dans les années 1990 et a été repéré récemment dans la famille, il n’avait donc aucun moyen de savoir qu’il pouvait le transmettre au moment de son don. J’ai foncé chez une généticienne, et au bout de quelques mois le résultat est tombé : j’ai bien hérité de la mutation familiale. Au fond c’est une excellente nouvelle. Sans cette enquête passionnante je n’aurais jamais eu connaissance de l’existence d’une mutation que je porte pourtant depuis ma conception. J’aurais peut-être découvert seul cette mutation, mais trop tard, grâce à un cancer précoce ravageant mon corps ou celui de mes enfants. J’ai eu la chance de pouvoir me faire dépister, et à l’avenir mon fils aura aussi cette opportunité. Désormais je sais que je dois être contrôlé régulièrement.

Dès notre première discussion téléphonique j’ai proposé à mon géniteur de contacter le CECOS de Rennes. Il existe une procédure mal connue, rarement enclenchée, consistant à contacter toutes les personnes conçues à l’aide d’un donneur porteur d’une mutation génétique grave. Je pense que nous avons tous les deux une responsabilité à leur égard. Lorsqu’une telle mutation apparaît dans une famille il est vivement conseillé de transmettre l’information à ses proches. Ces proches sont des étrangers, mais nous sommes tous solidaires face au risque de cancer. Le CECOS a reconnu qu’en l’espèce la communication est absolument nécessaire, et toutes ces personnes seront contactées. Certaines ignorent sans doute leur mode de conception, aussi j’imagine bien que la nouvelle sera bouleversante. Peut-être que certains de ces demi-frères et demi-sœurs biologiques liront ce témoignage, et contacteront cette association qui m’a tant aidé ?

Photo témoignage donneur Rennes 1991 BRCA1 mutation