La FIN de l’anonymat

Important : L’association PMAnonyme ne prône pas l’usage de tests génétiques, même récréationnels, compte tenu de leur interdiction en France. Cette note est un constat de la situation, en 2019, dans le monde. Article 16-10 à 13 du Code Civil.

Important : Les membres de l’association PMAnonyme ne sont pas à la recherche d’une autre filiation que la leur, pas plus que d’un père ou d’une mère qui viendrait s’ajouter aux leurs. Ces personnes conçues par don militent pour la reconnaissance de leur droit à l’accès à leurs origines. Ce droit doit être reconnu et mis en pratique par la loi française et permettre d’éviter qu’à titre personnel ils n’aient comme autre recours que d’en passer par des tests génétiques récréationnels pour en savoir plus sur une partie de leur hérédité.

L’association fait le point sur la situation internationale et en France :

L’anonymat du don à l’aune des tests génétiques n’est plus garanti de facto

Une fin annoncée par les généticiens eux-mêmes

En avril 2016, dans le journal scientifique Human Reproduction, Joyce C Harper, Debbie Kennett et Dan Raisel publient un article prédisant la fin de l’anonymat du don de gamètes par le biais des tests ADN.

La Fédération française des CECOS reprend cette information sur son site internet, indiquant que, selon l’auteur de l’article, « les donneurs doivent être informés que l’anonymat ne peut être garanti et que leur identité peut être retrouvée si leur ADN ou celui d’un membre de leur famille a été ajouté à une banque de données. ».

Dans le journal Le Monde du 6 juillet 2017, le professeur Stéphane Viville prévient dans une tribune : « L’engouement que rencontrent les sociétés qui proposent des tests génétiques (…) illustre ce besoin d’inscription dans une filiation. De ce fait, l’anonymat des donneurs ne saurait être garanti. S’il en était encore besoin, force est de constater que cela rend intenable le positionnement des CECOS. En effet, ces tests génétiques ont déjà permis à plusieurs personnes de découvrir l’identité de leur donneur. En attendant la levée de l’anonymat du don de gamètes, qu’ils ne pourront éternellement éviter, il est important que les CECOS informent les donneurs et les receveurs de gamètes que l’anonymat n’est plus assuré à 100% ».

La célèbre société danoise « Cryos », qui fournit à l’achat des paillettes (anonymes ou non-anonymes, au choix), se dégage elle-même de toute responsabilité : « Les donneurs sont soit anonymes soit non-anonymes. Ces définitions ne signifient pas que les donneurs ne sont pas identifiables. Etant donné que le sperme de donneur est porteur d’ADN, il y a toujours le risque que les donneurs, les récipients et les enfants du donneur puissent être identifiés par analyse ADN ce qui peut rendre l’anonymat problématique dans le futur. »

Le « boom » inexorable de la mode des tests ADN

La généalogie génétique (l’application de la génétique à la généalogie) est en plein essor depuis sa création à visée commerciale dans les années 2000.

Il existe aujourd’hui 4 principaux tests ADN qui regroupent, au sein de différentes bases de données, plus de 28 millions de personnes.

A l’occasion du seul Black Friday de 2017, la société AncestryDNA a, par exemple, vendu plus de 2 millions de kits.

Le graphique suivant illustre la croissance exponentielle du nombre de personnes présentes dans ces bases de données ADN.

Les Français sont également friands de ces tests, comme en témoignent les nombreuses vidéos de Français diffusées en ligne (ici un exemple), particulièrement chez les jeunes générations, mais aussi chez les passionnés de généalogie. Le premier site français de généalogie, Geneanet, qui s’est engagé en faveur de la légalisation des tests récréatifs en France, estime que 100 000 français auraient déjà réalisé ces tests auprès de sociétés étrangères. Les éditions Archives et Culture ont publié en mars 2018 un guide de généalogie génétique, en rupture de stock deux semaines après sa parution. L’auteur, Nathalie Jovanovic-Floricourt, n’hésite pas à donner sur sa page internet toutes les indications nécessaires pour commander ce type de test en France.

Les prix baissent par ailleurs d’année en année. Les tests coûtent actuellement entre 60 et 120 euros, les rendant financièrement accessibles à tous. Par exemple, My Heritage commercialise en France un test à 68 euros, livraison incluse, et n’hésite pas à faire une large publicité en France.

La possibilité de retrouver l’identité d’un donneur à partir d’un membre éloigné de sa famille

Du point de vue de la génétique, les donneurs ou donneuses de gamètes ou d’embryons représentent 50% de l’ADN des personnes conçues par don. Ils ont également un pourcentage variable d’ADN partagé avec chacun des membres de leur famille plus ou moins éloignée.

Pour retrouver un donneur, il n’est pas nécessaire que le donneur lui-même ou un membre de sa famille proche ait réalisé ce test ADN : il peut suffire qu’au moins deux des descendants de ses arrière-arrière-grands-parents soient sur l’une de ces bases de données.

  • Les donneurs n’ayant, majoritairement, pas informé leur famille de leur(s) don(s), un membre de leur famille proche (parents, enfants, neveux et nièces, frères et sœurs, cousins germains) peut donc faire le test en ignorant tout de ce(s) don(s).
  • Mais même sans cela, personne ne connaît ni ne contrôle tous les descendants de ses arrière-grands-parents ou arrière-arrière-grands-parents.

Une fois le match obtenu, en fonction de son degré de proximité génétique, un arbre généalogique est facilement réalisable. Les sites fournissent la possibilité de connecter son ADN à un arbre généalogique classique et les arbres généalogiques en ligne sont monnaie courante. Il suffit de croiser les arbres généalogiques des différents cousins éloignés découverts dans les bases de données pour déterminer les ancêtres commun qu’ils partagent avec la personne qui a fait le test. Il est ensuite relativement simple d’identifier la personne en âge de donner et présente dans la ville du don à cette époque.

Il existe même une seconde façon de retrouver le donneur sans avoir besoin d’une correspondance génétique : en faisant analyser l’ADN mitochondrial pour une femme ou le Y pour un homme.

Le test Y indique l’ensemble des hommes présents sur la lignée paternelle (qui ont fait le test mais sans qu’il soit nécessaire qu’ils partagent de l’ADN) et si le nom de famille du donneur est peu courant, par recoupement (lieu de conception, réseaux sociaux, annuaire, ressemblance physique), il est possible de le retrouver.

Tout un chacun a donc déjà, contre son gré ou non, un membre de sa famille au sens large dans l’une de ces bases de données ADN.

Une organisation mondiale et européenne de recherche redoutablement structurée

Les personnes conçues par don s’organisent au niveau mondial pour « retrouver » leur donneur.

Des groupes de recherche d’un parent biologique par l’ADN ont vu le jour sur Facebook :

    • DNA Detectives emmené par Cece Moore, une célèbre spécialiste de la généalogie génétique aux Etats-Unis.
    • DNA for the donor conceived emmené par Stephanie T. , spécialiste américaine de la recherche d’un donneur par la généalogie génétique.
    • Carrefour ADN, groupe canadien, emmené par Lucien Provost Pilotte-Lewis et Line Lachance.

Les personnes conçues par don s’organisent également au niveau européen avec la création aux Pays-Bas par Emi Stikkelman de « Donor Detectives » : une société composée de personnes conçues par don et de généalogistes permettant de retrouver, clé en main, le donneur. Cette société dispose d’anglophones et francophones et fait régulièrement état de ses exploits dans la presse étrangère.

Un programme de charité au niveau mondial a également été créé le 1er janvier 2017 « Kits of Kindness » permettant aux personnes conçues par don les plus démunies de se voir offrir le financement de leur(s) test(s) ADN.

Il est donc impossible d’envisager l’anonymat du don de gamètes en ne réfléchissant que par le seul prisme français. La «nouvelle génération» est mobile, bilingue et connectée.

Et outre le fait qu’on trouve de plus en plus de Français dans les bases ADN, lorsqu’on remonte aux arrière-arrière-arrière-grands-parents de Français, un certain nombre de leurs descendants ont émigré dans un pays où les bases de données sont impressionnantes : États-Unis, Angleterre, Canada et Australie ; c’est pourquoi un Français qui fait un test ADN trouvera toujours des cousins plus ou moins éloignés.

Loin des projecteurs : des « retrouvailles » quotidiennes

Le fait de retrouver son donneur ou ses demi-frères et sœurs par le biais des tests ADN est un phénomène devenu totalement banal dans les pays anglo-saxons si l’on suit un peu l’actualité anglo-saxonne.  

La possibilité de retrouver son donneur s’étend au reste de l’Europe et à la France comme en témoignent les titres de journaux ces dernières années :

Cette mise en relation génétique concerne aussi bien les donneurs que la recherche en collatéral de demi-frères et sœurs appelés « diblings » (contraction de « donor » et de « siblings »).

En moins de deux ans, 28 donneurs ont ainsi été retrouvés en France, et 120 personnes ont retrouvé des demi-frères ou sœurs génétiques conçus par don de gamètes (chiffres remontés par les adhérents de Pmanonyme – octobre 2019).

L’engouement récent des Européens pour les tests pousse les États à envisager une révision rapide de leur législation. Les Pays-Bas, qui ont déjà levé l’anonymat pour le futur, l’envisagent désormais pour le passé.