Publication d’Irène Théry

Nous relayons ce message d’Irène Théry. L’association s’est déjà exprimée plusieurs fois sur ce thème mais il est nécessaire de répéter sans cesse que nous nous opposons à toute forme de récupération politique. Le droit d’accès aux origines n’est rien d’autre qu’une demande légitime d’accès à son histoire d’hérédité. 


Quelle surprise de voir mon nom cité, via Jacques Testart, dans le document de La Manif pour Tous pour les états généraux de la bioéthique!
De fait, ce détournement participe d’une OPA grossière et plus globale, préparée depuis 2013, et visant à disqualifier, sous prétexte de défendre la levée de l’anonymat des dons, le combat légitime des personnes issues de don pour l’accès à leurs origines.
Explication :
1° l’Eglise catholique est radicalement opposée à la PMA avec don, y compris pour les hétérosexuels (Donum vitae, 1987) mais LMPT l’avoue rarement, de peur d’être peu crédible dans le débat actuel. J’ai cependant réussi à faire sortir du bois sur ce point Frigide Bajot, puis Ludovine de la Rochère lors d’émissions de radio. Récemment le directeur de la Croix l’a d’ailleurs dit très spontanément lors d’une émission où j’étais.
2° Pour l’Eglise de Rome le « vrai parent » c’est le parent biologique. Donc dans la PMA avec don de sperme le donneur n’est pas un donneur mais le « véritable père » titulaire (je cite) de la « filiation biologique ».
3° De là le sens de sa demande de levée de l’anonymat :leur rêve serait de favoriser ce qu’on nomme en droit une « recherche en paternité »
4° Mais comme il est impossible de transformer un donneur en père, l’enjeu de LMPT en réalité n’est pas l’accès aux origines, qui valorise toujours la PMA avec don. Il est a l’inverse de disqualifier les notions de « don d’engendrement » et de « donneur » avec pour projet à moyen et long terme d’abolir la PMA avec don, qualifiée de « mainmise technique sur le corps des femmes ». En attendant, l’objectif est clair : LMPT veut parvenir au moins à empêcher l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, c’est son grand thème de la « PMA sans père ».

Cette attitude est radicalement opposée à la lutte pour l’accès aux origines que mène depuis des années l’association PMAnonyme, que mènent des plus en plus de personnes nées de don, comme Arthur et Audrey Kermalvezen dont l’histoire a été très médiatisée, droit d’accès aux origines que je soutiens avec tout un ensemble de personnalités. Nous sommes exactement à l’autre bout de l’arc des positions en présence sur le don et nous opposons point par point à LMPT :
1° Nous sommes favorables à la PMA avec don, innovation sociale formidable qui a permis depuis un demi siècle à des couples ne pouvant pas avoir d’enfant par eux-mêmes, de mettre au monde, avec l’aide d’un tiers, des enfants très désirés et cela tant en France qu’à l’étranger.
2° Pour nous, comme pour le droit bioéthique en France et partout dans le monde, les seuls vrais parents sont ceux qui ont sollicité et reçu le don. En droit comme en fait, les donneurs sont des donneurs, des personnes qui ont aidé d’autres personnes à devenir parents, et nulle part on ne peut les transformer en parents, en ignorant le sens de leur geste (heureusement! )
3° Notre seule critique porte sur le fait que, à cause du poids du modèle traditionnel de la famille « PME » ( père, mere enfant) dans la culture biomédicale , en France cet engendrement avec don est encore masqué, dissimulé comme s’il était honteux, maquillé en procréation du couple receveur, et que dans cette logique il faut à tout prix faire disparaître le donneur : de là la règle de l’anonymat définitif qui demeure chez nous alors que la plupart des pays l’ont abolie (de la Suède en 1984 au Royaume Uni en 2005 et à l’Allemagne en 2017, en passant par toute une kyrielle de démocraties)
4°Loin de combattre la PMA avec don, comme l’Eglise et LMPT, nous pensons tout à l’inverse qu’il est grand temps de faire une place au soleil dans notre société et dans notre droit aux familles issues de don. L’anonymisation des dons peut être utile pour que les places de chacun soit bien claires. Mais on ne peut en aucun cas justifier qu’elle soit définitive, comme si on voulait effacer à jamais le donneur comme « personne humaine » et faire comme si les enfants étaient nés d’un « matériau interchangeable de reproduction ». Pourquoi empêcher les personnes issues de don qui le souhaitent, à leur majorité, d’avoir accès à leur dossier médical ? Pourquoi les soupçonner de « chercher un père » alors qu’elles clament qu’elles en ont un et n’en cherchent pas d’autre ? De fait, ce dont nous avons le plus besoin après un demi siècle de règne des secrets et mensonges, c’est de la capacité collective à penser, instituer et valoriser le don pour ce qu’il est, très exactement pour ce qu’il est.

En droit français, depuis la loi de 2002 créant le Conseil national d’accès aux origines personnelles (CNAOP), il est précisé que la notion d’origines est totalement distincte de la filiation, et qu’accéder à ses origines exclut tout établissement de filiation.
C’est pourquoi que je soutiens le droit, pour toutes les personnes nées de don, d’accéder à leur dossier médical intégral, et donc à l’identité de leur donneur, à leur majorité. L’accès aux origines est un droit fondamental de la personne, que nous avons accordé aux enfants adoptés, après le leur avoir longtemps refusé. Rien ne s’est écroulé, et les parents adoptifs ont cessé d’avoir peur de se voir détrônés. Accordons ce même droit aux personnes nés de don, dont la naissance n’a été assortie d’aucun drame, et qui souhaitent seulement rassembler les composantes de leur histoire.
Un Etat n’a aucune légitimité à priver sciemment quiconque d’une partie de son identité narrative, ce n’est pas moi qui le dis, c’est la Cour européenne des droits de l’homme.

Lien de la publication Facebook d’Irène Théry : https://www.facebook.com/TheryIrene/posts/852174238318687