Le Monde : « La connaissance de ses origines est indissociable de la réflexion de tout être humain sur son identité personnelle »

Le Journal Le Monde a publié aujourd’hui une tribune de notre président Vincent Brès.


Lien de l’article : http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/05/15/la-connaissance-de-ses-origines-est-indissociable-de-la-reflexion-de-tout-etre-humain-sur-son-identite-personnelle_5299348_3232.html
Date de publication : 15 mai 2018


Dans une tribune au « Monde », Vincent Brès, le président de l’association Procréation médicalement anonyme, demande à ce que la France permette aux enfants nés de don puissent avoir accès à leurs origines.

Tribune. Les choses bougent, enfin, dans le monde un peu fermé de l’assistance médicale à la reproduction. Basé sur un système vieux de plus de quarante ans, le don de gamètes s’apprête à évoluer, répondant au mouvement de fond des évolutions de la société française.

Pour une raison très simple : les premiers à en être nés sont devenus des adultes responsables, souvent parents eux-mêmes, et prennent maintenant la parole. Ils dénoncent l’injustice d’un système qui confisque, sans jamais les avoir consultés, des informations sur leur hérédité.

La présidente de la fédération des Centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains (CECOS) a récemment proposé de réformer les pratiques au travers de la possibilité d’offrir des données non identifiantes aux personnes qui le souhaitent.

Si l’intention est à saluer, puisque pour la première fois les professionnels de l’assistance médicale à la procréation (AMP) avec don se tournent vers les personnes qui en sont issues, elle est encore insuffisante. Elle peut même apparaître comme un écran de fumée pour finalement ne rien faire, ne rien changer. La transmission des données non identifiantes sur les donneurs telles qu’une vague profession et quelques traits physiques généraux ne répond en rien aux attentes des personnes conçues par don.

Principe d’appariement

Pour savoir à quoi pourrait ressembler leur donneur, les personnes nées de don n’ont qu’à se tourner… vers leur propre père ! Grâce au principe d’appariement, mis en place par les CECOS en choisissant le donneur le plus proche physiquement du père d’intention, il n’y a que peu de doutes sur l’apparence physique de celui à qui ils doivent d’être nés.

Sa profession ou son âge au moment du don sont des informations qui ne répondent pas à toutes les questions car elles ne parlent en rien d’hérédité. Nous cherchons plus que cela lorsque nous nous regardons dans le miroir ou lorsque nous transmettons à notre tour notre part de matériel génétique à nos enfants.

La transmission d’informations non identifiantes est donc un os à ronger proposé aux enfants nés de don qui ne résout rien. Pire cette proposition contient une certaine cruauté : les banques de gamètes détiennent l’identité des donneurs et donneuse, considérées comme tellement précieuses qu’elle est enfermée dans une armoire forte. Nous, personnes nées de don, affirmons que nous sommes nées non d’un « matériau interchangeable de reproduction » mais comme tous les humains, de personnes humaines. Nier cela en séquestrant l’information sur l’identité du donneur c’est injuste et méprisant.

L’ensemble des membres de l’association PMAnonyme (plus de deux cents personnes à ce jour) demande l’accès à l’information sur leurs origines. Ni plus, ni moins. C’est le cas aussi de la majorité silencieuse, comme le prouvent de nombreuses études étrangères.

Ils demandent la mise en oeuvre de deux mesures simples et qui n’enlèvent rien à personne mais offrent plutôt un droit à ceux qui en étaient privés.

Volontariat

La première mesure concerne le futur : le principe demeure celui de l’anonymat à moins que la personne née du don demande à connaître ses origines, à sa majorité. Alors, si elle le souhaite, cette personne obtient l’identité de son donneur. Le don est donc fait en connaissance de cause. On parle ici d’une situation qui ne se produirait pas avant 2040.

La seconde mesure concerne le passé et les personnes déjà nées de don. Pour elles, il ne s’agit ni plus ni moins que d’avoir le droit de demander. Il s’agirait de solliciter un médiateur, via une institution créée dans ce but, pour informer le donneur qu’une personne issue de son don cherche à connaître sa part d’hérédité. Sur la base du volontariat ce système pourrait satisfaire simplement ceux qui en feraient la demande. La suite dépend des protagonistes mais rien n’est imposé à personne. Il n’y a pas de rétroactivité mais simplement la confiance accordée à des gens responsables qui respectent les attentes des uns et des autres.

Rappelons que les personnes nées de don ne demandent pas une remise en cause de leur filiation. Elles ne l’ont jamais fait et ne le feront jamais car elles ont déjà des parents à qui elles doivent d’être ce qu’elles sont devenues. Ce lien de filiation est indéfectible et ne sera jamais remis en cause par une meilleure connaissance de l’hérédité ou des antécédents médicaux. Par ailleurs le code civil est là pour le garantir.

La France a l’opportunité de rattraper son retard face à l’immense majorité des pays qui pratiquent l’AMP avec don. Elle ne doit pas rater une occasion de bien le faire ! Accorder l’accès qu’à des données non identifiantes à ceux trop longtemps privés de leurs droits fondamentaux n’est pas une avancée, mais une stratégie pour ne pas satisfaire une demande légitime.

L’accès aux origines n’est que cela : un accès à l’information sur l’identité du donneur. L’accès aux origines n’est pas un droit de rencontre et encore moins un quelconque lien juridique ou affectif entre le donneur et ceux qui lui doivent d’être nés. C’est simplement la condition sine qua non pour savoir qui on est complètement, en sachant d’où l’on vient. La connaissance de ses origines est indissociable de la réflexion de tout être humain sur son identité personnelle.

Je dis donc à tous ceux qui craignent de nous rendre notre droit d’accès aux origines : n’ayez pas peur. Les pratiques autour du don doivent changer, comme elles ont changé dans presque tous les pays occidentaux. L’accès aux origines est un progrès pour notre société. Il faut l’embrasser.