Le monde 7 février 2011

 

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Editorial

Lois de bioéthique : le choix du statu quo, hélas !

Tout ça pour ça ! Trois ans d’intenses débats, des Etats généraux organisés à grands frais dans tout le pays, des avis consultatifs rendus par toutes les instances de réflexion sur l’éthique pour, finalement, décider de ne rien changer : la déception suscitée par la révision des lois de bioéthique, examinées à partir de mardi 8 février à l’Assemblée nationale, est à la hauteur des attentes qu’elle avait soulevées.

Certes, le gouvernement n’avait pas enclenché ce processus par choix : le réexamen des lois est rendu obligatoire tous les cinq ans, afin d’adapter le droit aux évolutions de la science et de la société. Mais, en ne concédant rien, sur aucune des pistes explorées lors du débat, la majorité transforme les lois de bioéthique à la française en l’un des arsenaux les plus conservateurs d’Europe.

Depuis 1994, année des premières lois de bioéthiques, la France se targue de bénéficier d’une législation cohérente et structurée autour de trois grands principes : primauté de la personne humaine, non patrimonialité du corps humain, anonymat et gratuité du don. Les textes réglementent notamment l’assistance médicale à la procréation (insémination artificielle et fécondation in vitro) en la réservant exclusivement aux couples hétérosexuels.

La première révision des lois, en 2004, avait été consacrée à la question du clonage thérapeutique : le législateur avait alors admis, du bout des lèvres, les recherches sur les cellules souches embryonnaires, tout en conservant symboliquement le principe de l’interdiction.

Sept ans après, le débat, de scientifique, est devenu sociétal. Fallait–il ouvrir le bénéfice de l’aide à la procréation aux femmes célibataires ou aux homosexuelles, sachant que plusieurs centaines d’enfants naissent chaque année de couples de Françaises qui se sont rendues à l’étranger bénéficier de ces techniques ? Fallait–il faire droit à la demande de certaines femmes infertiles en autorisant les mères porteuses ? Fallait–il, enfin, accepter de lever l’anonymat des donneurs de gamètes alors que les enfants issus d’un tel don demandent à connaître leurs origines ?

Ce dernier sujet paraissait l’un des moins controversés, la plupart des pays occidentaux s’étant dotés d’un dispositif juridique permettant une levée partielle ou totale de l’anonymat des donneurs de gamètes. Par la voix de son ancienne ministre de la santé, Roselyne Bachelot, le gouvernement y a donc semblé, un temps, disposé.

Las, sur ce point comme sur les autres, la majorité a finalement opposé une fin de non–recevoir. Se réfugiant derrière la permanence de notre législation, le gouvernement et les députés UMP ont préféré le confort du statu quo au défi de devoir répondre à de nouvelles demandes sociales.

Et, pour faire bonne mesure, les députés s’apprêtent à clore définitivement le débat en supprimant l’obligation de révision périodique des lois. Considéré comme pionnier il y a quinze ans, le cadre bioéthique à la française, à la traîne de nos voisins européens, est en passe de devenir un carcan.

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