Laissons la justice faire son travail en toute sérénité

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Le 31 mai 2012 s’est tenue une audience devant le Tribunal administratif de Montreuil concernant la requête d’une personne conçue d’un don de sperme qui sollicite que son donneur soit interrogé, de façon confidentielle, pour savoir s’il accepte de lever ou non son anonymat.
Plusieurs membres de l’association PMA étaient présents.
La demande visant à interroger le donneur est d’autant plus justifiée qu’à l’époque de la conception de la requérante, l’anonymat du don n’était pas inscrit dans la loi. Si les donneurs étaient, depuis l’origine, anonymes, vis à vis des couples receveurs, l’anonymat à l’égard de l’enfant, n’a été inscrit dans la loi qu’en 1994.
Une cinquantaine de donneurs, dont les témoignages sont versés a la procédure, affirment d’ailleurs qu’à l’époque leur consentement n’était pas éclairé dans la mesure où ils n’avaient pas imaginé que les enfants qui seraient issus de leur don pourraient souffrir de ne pas avoir la possibilité de connaître leur identité et se disent aujourd’hui prêts à se faire connaître auprès des enfants devenus adultes qui en éprouvent le besoin.

Les principaux arguments invoqués à l’appui de la demande sont :
1 – l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme, qui protège selon la Cour européenne: « l’intérêt vital » qu’a toute personne « à obtenir des informations nécessaires à la découverte de la vérité concernant un aspect important de son identité personnelle, par exemple l’identité de ses géniteurs ».
2 – Le Code civil qui prévoit la levée de l’anonymat en cas de nécessité thérapeutique, la requérante faisant état d’une nécessité thérapeutique psychologique, certificat médical à l’appui.
3 –le rapport du Conseil d’État, relatif à la révision des lois de bioéthique, qui préconisait d’ouvrir l’accès des personnes issues d’un don de gamètes à des informations non identifiantes concernant leur géniteur et de permettre l’accès à l’identité de celui–ci s’il y consentait.

Enfin, la requérante sollicite des informations non identifiantes telles que l’âge de son donneur ou son éventuel décès, ses antécédents médicaux, le nombre de personnes conçues à partir des mêmes gamètes…ainsi que le fait de savoir si son frère et elle sont issus du même donneur, information à laquelle les parents de la requérante, qui soutiennent sa démarche de même que son frère, n’ont pas accès. Sur ce point, la requerrante a rappelé que le législateur n’interdit que la divulgation d’informations « qui permettent d’identifier le donneur ».

Les principaux arguments, opposés par le rapporteur public qui préconise à la juridiction de rejeter toutes ces demandes sont :
– la mise en péril potentielle de la pérennité du don, en cas de levée de l’anonymat
or les chiffres officiels publiés par exemple en Suède et au Royaume uni , qui permettent à l’enfant adulte de connaître l’identité du donneur, démontrent qu’il n’y a pas de baisse des dons et que les CECOS français disposent à ce jour d’un stock de 60 000 paillettes de sperme congelées, chiffres publiés par l’agence de la biomédecine.
– le droit à l’enfant des couples infertiles
S’il existait un droit à l’enfant, ce qui est contestable, l’enfant a lui incontestablement des droits. Par ailleurs, la requérante, âgée de 32 ans, ne peut en l’état, prendre le risque de concevoir un enfant avec son compagnon, qui a été conçu comme elle, d’un don de sperme, car la loi leur interdit de recourir aux tests génétiques, ce qui leur permettrait a minima de savoir s’ils sont ou non demi–frère et sœur, et de limiter ainsi tout risque de consanguinité pour leur enfant. Mettre au monde un enfant en l’état c’est le priver d’un pan entier de son histoire, ce qui est particulièrement douloureux comme le savent, plus que nul autre, les membres de ce couple.
– l’intérêt du donneur
Or des lors que son consentement à une levée éventuelle de son anonymat est recueilli, de façon confidentielle, son intérêt est respecté, puisque son refus éventuel sera, en tout état de cause, respecté. Cette interrogation permettra simplement de prendre aussi en compte l’intérêt de l’enfant issu du don, totalement ignoré à ce jour.

Le tribunal rendra sa décision le 14 juin prochain, en attendant la requérante souhaite permettre à la justice de faire son travail en toute sérénité.