La Croix – 21 octobre 2015

LA CRT

Née d’un don de sperme, Audrey réclame la levée partielle de l’anonymat de ses origines
Mercredi 21 octobre, le rapporteur public du Conseil d’État a demandé que l’anonymat du donneur de sperme soit maintenu.

La décision a été mise en délibéré. L’audience était importante, en particulier pour les enfants nés d’un don de gamètes. Mercredi 21 octobre, Audrey Kermalvezen (1), une avocate née il y a 35 ans grâce à un don de sperme, a demandé, devant le conseil d’État, à pouvoir accéder à certaines informations sur son géniteur.Toutefois, le rapporteur public a réclamé le rejet de sa demande. Le Conseil d’État rendra sa décision d’ici à quelques semaines.

« Je ne cherche pas un père, j’en ai un que j’aime, explique la jeune femme. Mais tout le monde a besoin de savoir d’où il vient. » Audrey Kermalvezen – il s’agit d’un pseudonyme – se heurte cependant aux lois de bioéthique qui, de révision en révision, ont maintenu le principe du don de gamètes anonyme et gratuit.

C’est pourquoi l’avocate, qui se bat depuis plusieurs années, a exposé deux types de demandes. Elle souhaitait, d’une part, accéder à des données non identifiantes sur le donneur: Est-il vivant ou mort? Quel âge avait-il au moment du don?
Quelles sont ses caractéristiques physiques? Quels sont ses antécédents médicaux? Sur ce dernier point, la loi prévoit la possibilité d’accéder à certaines données,  déplore la requérante. « mais il faut déjà être malade pour y prétendre! »

Interroger les donneurs ? Elle souhaitait, d’autre part, que l’on interroge le donneur pour connaître son avis. « On sait que certains donneurs n’ont, demande Audrey, rien contre le fait de dévoiler leur identité, pourquoi ne pas leur poser directement la question? »
arguant notamment du fait que les géniteurs peuvent souhaiter l’anonymat au moment du don puis évoluer. La jeune femme avait déjà été déboutée par le tribunal administratif de Montreuil, puis par la cour administrative d’appel de Versailles.

En juin 2013, le Conseil d’État avait rendu un avis sur le sujet (2) estimant que le législateur français avait, à travers le don anonyme, , donneur, couple receveur et enfant. Et il « é t a b l i  u n  j u s t e  é q u i l i b r e  e n t r e  l e s  i n t é r ê t s  e n  p r é s e n c e » concluait que l’interdiction d’accéder à ses origines (même partiellement) n’était  avec la convention « pas incompatible » européenne des droits de l’homme dont l’article 8 protège « le droit à la vie privée et familiale ».

Cependant, la publication d’un avis n’empêchait nullement le recours examiné ce mercredi. En outre, Audrey est bien décidée à aller devant la CEDH si nécessaire. En cas d’inconventionnalité, le législateur devrait revoir sa copie. Mais alors, la levée de l’anonymat ne concernerait que les enfants à naître.

(1) Auteur de 2014, Max Milo, 368 p., 19,90 € Mes origines, une affaire d’État,
(2) Il s’agit d’un « avis contentieux » sollicité dans le cadre d’une autre affaire