Europe 1 midi – 21 octobre 2015

europe 1

Interview d’Audrey kermalvezen et Romain par Jean Michel Apathie  ( à partir de 23:05 mn)

cliquer ici pour réécouter l’émission

La requérante, conçue par insémination artificielle avec donneur, souhaite obtenir des informations sur son père biologique. Ce qui est strictement interdit par la loi.

« Je ne considère pas mon géniteur comme un père, un membre de ma famille, mais il fait partie de moi. Ce n’est pas une quête affective, c’est juste savoir d’où je viens, qui je suis. J’aimerais savoir à quoi il ressemble ». Une jeune femme, avocate de profession, qui a raconté son témoignage dans un livre  sous le nom d’Audrey Kermalvezen, mène un combat judiciaire pour obtenir une levée partielle du secret qui entoure ses origines.

La jeune femme a été conçue par insémination artificielle avec donneur. Depuis qu’elle a appris ses origines il y a six ans, à l’âge de 29 ans, elle se bat pour obtenir des informations sur son père biologique. En vain car l’anonymat du don de sperme est inscrit dans la loi de bioéthique.

« Savoir si j’ai des demi-frères dans la nature ». Audrey Kermalvezen souhaite notamment savoir si elle et son frère, lui aussi né par don de sperme, ont été conçus par le même donneur. Aujourd’hui marié avec un homme également né d’un don de gamètes, elle pointe un risque potentiel de consanguinité induit par l’impossibilité d’obtenir la moindre information sur son géniteur et celui de son mari.

La requérante souhaite aussi connaître l’âge de son donneur, ses caractéristiques physiques générales (couleur des yeux, des cheveux, taille, poids), le type d’activité qu’il exerçait, ses antécédents médicaux. Et s’il est à l’origine d’autres dons : « Pour savoir si j’ai des demi-frères et demi-soeurs dans la nature ».

Que dit la CEDH ? Déboutée de ses demandes par le tribunal administratif puis par la cour administrative d’appel, elle a saisi le Conseil d’Etat arguant que la loi française viole l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme sur le « droit au respect de la vie privée et familiale ». Dans une décision rendue en 1992, la Cour européenne des droits de l’Homme avait rappelé que les personnes dans la situation de la requérante « ont un intérêt vital à obtenir les informations qui leur sont indispensables pour découvrir la vérité sur un aspect important de leur identité personnelle ».

L’audience du Conseil d’Etat se tiendra mercredi mais la décision sera mise en délibéré. « L’objet de notre procédure, c’est que le Conseil d’État déclare la loi française inconventionnelle par rapport à la CEDH. Ce sera ensuite au législateur d’en tirer les conséquences et de refaire la loi », argue son avocat, Me Julien Occhipinti.

« La loi française ferme la porte ». Mais « sur ces questions, la loi française ferme complètement la porte. On n’a le droit de ne rien savoir du tout, dans aucune circonstance, ou alors en cas de problèmes médicaux graves mais, même dans ce cas, c’est compliqué », explique son avocat, Me Julien Occhipinti.

Une pratique très encadrée

Le don de sperme est anonyme aussi bien pour le couple receveur que pour le donneur. Aucune filiation ne pourra être établie entre l’enfant issu du don et le donneur. Cet enfant est celui du couple qui l’a désiré, sa famille est celle dans laquelle il est né, précise la loi.