Etats généraux de la bioéthique : auditions du CCNE

Dans le cadre de la révision des lois de bioéthique, le CCNE a fait de nombreuses auditions. A partir de ces auditions, ainsi que de la consultation en ligne, et enfin des rencontres, le CCNE va réaliser une synthèse qui sera remise le mois prochain au gouvernement.

Nous avons sélectionné certaines contributions :

Association PMAnonyme : « L’accès aux origines pour les personnes issues d’un don de gamètes : un droit d’humanité »

Collectif pour le Droit aux Origines : Pour le droit à la connaissance de son origine

Filiation, Origines, Parentalité : Permettre l’accès aux origines des personnes nées d’un don d’engendrement

Maintenir la règle d’anonymisation des dons de gamètes et d’embryons. L’anonymisation des dons de gamètes et d’embryons assurant le droit à la protection de la vie privée des deux familles, celle du (des) donneur(s) et celle des receveurs, devrait être maintenue. Il convient donc de garantir au donneur son anonymat jusqu’à la majorité de l’enfant né du don, seul autorisé à en demander la levée.

Organiser la transmission de renseignements non identifiants

Inciter le donneur de gamètes ou d’embryons à laisser, au moment du don, un ensemble de renseignements non identifiants qui seront conservés par l’organisme recevant le don. Prévoir le recueil de ces renseignements non identifiants sous une forme standardisée, afin de favoriser l’égalité de l’information entre les personnes nées de dons.

Permettre la transmission de ces renseignements non identifiants à l’enfant issu du don dès sa minorité, accompagné de ses représentants légaux.

Permettre la délivrance de l’identité du donneur à la personne majeure née du don qui en fait la demande Permettre à toute personne issue d’un engendrement avec tiers donneur (gamètes, embryons) réalisé dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation, qui en fait la demande de se voir délivrer l’identité de son donneur à sa majorité. Pour cela, modifier l’article 311-19, alinéa 3 : La personne majeure issue de la procréation peut se voir délivrer à sa demande l’identité de son ou ses donneurs. Le CNAOP est seul habilité à obtenir celle-ci auprès de l’organisme chargé de la préserver. Une telle demande étant de plein droit, elle n’aura pas à être assortie de justifications.

Le droit à l’information n’étant pas un droit à la rencontre, prévoir la médiation du CNAOP s’assurant de l’accord du donneur dans le cas où une rencontre est souhaitée par la personne née de don.

CNGOF (Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français) : L’anonymat des dons de gamètes
Plusieurs raisons déontologiques nous amènent à demander que soit questionné les dispositions légales qui prévoient l’anonymat des donneurs et donneuses de gamètes dans notre pays :
– Il devient impossible de garantir l’anonymat aux donneurs à venir car les banques d’ADN permettent aujourd’hui de retrouver un donneur par devers lui. Ce phénomène du dévoilement va bien sûr s’amplifier dans les années à venir et les conséquences de ces dévoilements « sauvages » sur les donneurs ne sont pas évaluées et doivent, à tout le moins, faire partie désormais des informations données avant ces procédures.
– Les médecins se sont habitués à un devoir de transparence sur l’ensemble de leurs dossiers fussent-ils très lourds. Cette fin du paternalisme médical qui, sous couvert de protection des patients, les maintenaient dans l’ignorance de ce qui les concernait au premier chef, est demandée par la société civile pour toutes les données médicales. Il ne saurait être question de poursuivre une exception pour l’identité des donneurs de gamètes.
– Il apparait difficile pour une personne de se savoir issue pour une partie de son ascendance d’un matériel biologique au lieu d’un parent identifié. Cette manière de faire occasionne parfois des troubles psychologiques, non seulement chez les personnes issues de ces dons, mais aussi chez les donneurs eux-mêmes.
– On ne peut pas refuser l’accès aux origines pour un enfant né grâce à l’intervention du tiers que sont les médecins. Certains professionnels de cette filière sont anxieux de la baisse annoncée des dons qui n’est d’ailleurs pas inéluctable et peut être compensée par des campagnes publicitaires bien menées. Mais même si ce droit des personnes à connaître leurs origines devait provoquer une diminution des dons, il nous semble plus important de ne pas nuire aux personnes issues de ces procédures que de continuer de
les pratiquer au détriment de leurs droits fondamentaux.

Association EFA (Enfance & Familles d’Adoption) : Dans un avis rendu public le 26 janvier 2006, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a livré ses réflexions et recommandations sur la question de l’anonymat, du secret de la filiation et de l’accès de l’enfant à la connaissance de ses origines dans une société où la filiation biologique et la filiation sociale ou affective sont de plus en plus dissociées.1 C’est en partant de l’enfant, de la prise en compte de sa vulnérabilité et de son droit à connaître son histoire qu’EFA, forte de sa connaissance du devenir des enfants accueillis en adoption nationale et internationale, souhaite contribuer au débat. Deux points sont abordés : l’accès aux origines personnelles dans le cadre de l’accouchement sous le secret, et la gestation pour autrui (GPA), qui par certains côtés sont complémentaires dans la mesure où, aux problèmes spécifiques posés par la GPA, s’ajoute la possibilité que la mère dite « porteuse » ne soit pas identifiée.

Le CCNE encourage la levée du secret du mode de conception le plus tôt possible par les parents eux-mêmes et les invite à prendre conscience des « effets dévastateurs d’une révélation tardive du secret ». On sait en effet que la connaissance de son histoire, reconnue dans la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), est un facteur important pour le devenir des personnes, pour leur estime de soi et leur bien-être, notamment quand elles ont connu une situation d’abandon dans leur enfance.2 Or les témoignages de dizaines de milliers de familles ayant adopté au fil des décennies, le vécu des adoptés et les nombreuses recherches internationales dans ce domaine montrent que les parents, même quand ils informent leurs enfants des conditions ayant précédé leur adoption, se trouvent souvent démunis face à l’impossibilité de répondre à leurs questionnements légitimes. Concernant les personnes dont la mère a demandé le secret au moment de l’accouchement (dit « sous X »), l’expérience du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP) depuis sa création en 2002 montre que seul un quart des demandeurs accède à l’identité de ses parents de naissance, une femme sur deux restant introuvable et une sur deux, parmi celles qui sont retrouvées, acceptant de lever le secret de son identité. En 2016, 42% n’avaient pas laissé le pli fermé destiné à contenir une information sur leur identité.3 D’où la tentation grandissante de rechercher par le canal des réseaux sociaux, voire par des tests ADN (comme c’est déjà le cas pour les PMA) – deux réalités qui fragilisent désormais la notion même de secret et laissent les personnes démunies (parents ou enfants) face aux risques d’intrusions intempestives.

L’histoire d’un enfant, c’est aussi sa santé. La question des antécédents médicaux familiaux est tôt ou tard posée par les médecins. Au moins une femme sur dix qui demande le secret souffrirait de graves problèmes de santé, cette évaluation étant sans doute inférieure à la réalité ; à peine un tiers des femmes disent avoir fait suivre leur grossesse.4 Pendant 120 heures (les cinq jours dont dispose désormais la mère pour décider d’établir ou non la filiation de l’enfant), celui-ci doit être considéré comme celui de sa mère : il n’y a donc aucune raison pour qu’on ne fasse pas (à la mère et à l’enfant) les tests, bilans, relevés d’informations sur la grossesse faits pour tout autre nouveau-né. Ces informations devraient être consignées dans son carnet de santé qui devra impérativement le suivre, ce qui n’est pas toujours le cas actuellement.

Association C.L.A.R.A (Comité de soutien pour la Législation de la GPA et de l’Aide à la Reproduction Assistée) : Dans le respect de la transparence (des relations de confiance entre les deux couples sont indispensables durant la grossesse), ce qui exclut l’anonymat et protège le droit des enfants d’accès à leurs origines

Association Alliance Vita : Le développement des techniques de procréation avec donneur anonyme de gamète pose de nombreuses questions éthiques. L’enfant ainsi conçu est délibérément privé de l’accès à ses origines. Mais le progrès technologique remet en cause le principe même de l’anonymat, de manière rétroactive (cf le livre d’Arthur Kermalvezen « Né de spermatozoïde inconnu », 2018 : l’auteur vient de retrouver son père biologique grâce à une société filiale de Google vendant des kits d’analyse d’ADN et constituant une megabase de données génétiques).

ADFH (Association des Familles Homoparentales) : La nécessaire levée de l’anonymat du don de gamètes.
Ainsi que le souligne Irène Théry, « le recours croissant à la procréation médicalement assistée (PMA) révèle […] que la biologie et le sang ne sont pas des mythes du passé, mais qu’ils occupent une place importante dans les représentations symboliques de la parentalité et de la filiation » et « sous cet aspect, l’homoparentalité n’est rien d’autre qu’un puissant révélateur des lacunes et des contradictions du droit de filiation actuel ». Elle considère ainsi qu’« il est urgent et indispensable d’écrire un nouveau droit « à la fois commun et pluraliste », qui devrait, notamment […] abolir le secret des origines dans l’adoption et l’anonymat du donneur dans la PMA, ».
Elle regarde le modèle actuel de PMA comme un modèle « ni vu, ni connu ». Tant que les parents hétérosexuels gardent en effet le secret, l’enfant ne peut savoir qu’il a été conçu grâce à un don d’ovocyte, de sperme ou d’embryon. L’enfant est ainsi maintenu dans le mensonge permanent sans que jamais le législateur ne s’en émeuve. En revanche, comme l’affirmait Élisabeth Roudinesco, « les homosexuels sont forcément contraints de dire la vérité aux enfants et ils le font, ce qui oblige d’ailleurs les hétérosexuels à changer leurs mœurs et à ne plus mentir ».
L’enfant et l’adulte devenu ont pourtant tous deux droit au respect de leur vie privée et familiale et ce droit inclut, au sens de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, celui de connaitre sa filiation et ses origines.
C’est pourquoi, l’ADFH réclame la levée de l’anonymat du don de gamètes/embryons en France, sans que cette levée ne s’accompagne de droits ou d’obligations nouveaux pour l’enfant ou le donneur.

Association FIV France : – Revoir la notion d’anonymat dans le don de gamètes qui pourrait éventuellement être remplacée par une fiche informative, suffisamment renseignée, mais anonyme, permettant au demandeur de se faire une représentation de son ou ses parents biologiques.
Cette fiche ne lui serait remise, bien sûr, qu’à sa demande expresse.

Association Gaylib : Nous pensons, premièrement, à la promotion du don relationnel ou du contre-don. Deuxièmement, nous pensons qu’une augmentation du nombre et de fréquence des campagnes de promotion de don de sperme par l’Agence de la Biomédecine pourrait augmenter le nombre de donneurs. Troisièmement, nous pensons que la revalorisation du don de sperme par la levée de l’anonymat pourrait être le levier le plus efficace. Par la levée de l’anonymat, les donneurs de sperme voient leurs actes de générosité revalorisés. Les expériences au Royaume-Uni et en Suède montrent qu’après les lois de levée d’anonymat, le don de sperme a augmenté dès le deuxième anniversaire de la loi et même doublé au Royaume-Uni. Le profil du donneur a changé : ce sont des hommes qui cherchent un don plus solidaire ; des hommes plus matures, conscients qu’ils sont du fait que leur identité ne sera révélée qu’à des jeunes majeurs qui en exprimeront le besoin ; et que cela n’entraînera bien entendu ni droits ni devoirs relatifs à la filiation.

Association Philosophique le Droit Humain : Il y a une tendance générale qui aurait dû amener le législateur français à rompre avec le principe de silence sur l’identité des donneurs de gamètes, notamment au regard de la loi de Janvier 2002 sur le droit d’accès aux origines.
L’abandon du projet et le maintien pour la France d’une position isolée est née d’une confusion entre le don de sang ou de produits corporels alors qu’il y a ici un don de gamètes pour la naissance d’un enfant dont l’intérêt supérieur doit être protégé par la loi.

Le Droit Humain demande que la disposition visant à lever l’anonymat des dons de gamètes à vocation de fécondation soit adoptée en affirmant la nécessité de contrôler strictement l’enregistrement de données discriminatoires, notamment pour ce qui est de l’âge, des caractéristiques physiques, de la situation familiale et socio-professionnelle des donneurs afin d’éviter toute tentation d’eugénisme, voire de transhumanisme.
La condition étant que le donneur devrait en être informé.

Conseil Supérieur du Notariat : Le droit à la connaissance de ses origines
Actuellement, l’AMP avec tiers donneur implique systématiquement l’anonymat du donneur et l’impossibilité pour l’enfant ainsi conçu d’accéder à la connaissance de ses origines biologiques. Or, on sait que le droit à la connaissance de ses origines est revendiqué par des enfants qui vivent difficilement le fait de ne pas connaitre la vérité biologique de leur filiation. Les diverses affaires rapportées par la presse sur la demande de levée de l’anonymat tant de l’accouchement sous X et du don de gamètes sont là pour en témoigner.
Cette question devra donc être abordée. Disposer de deux pères ou de deux mères n’exclura pas le besoin de connaître l’ascendant biologique manquant.
Si la prochaine loi de bioéthique venait à donner aux enfants conçus par le biais d’une AMP le droit de connaître l’identité du donneur et à modifier plus largement les règles actuelles d’accès aux origines, il serait impératif de ne pas remettre en cause la sécurité juridique et les droits préalablement établis. En effet, l’identification du donneur ne doit pas avoir de conséquences sur la filiation d’ores et déjà établie de l’enfant.
Les règles actuelles du droit de la filiation qui assurent la stabilité de l’état civil de l’enfant comme celles relatives à l’action de subsides ou encore à l’obligation alimentaire ne devraient en conséquence pas être modifiées.

Comité Protestant évangélique pour la Dignité Humaine : A propos de l’AMP avec donneur : l’anonymat des donneurs est aujourd’hui très contesté au nom d’un droit de l’enfant à l’accès à ses origines. C’est une demande qui devrait être prise en compte dans la future loi.

Association MAIA : Les adhérents plus avancés dans le parcours et la réflexion vont apporter un éclairage différent et faire avancer la réflexion des nouveaux membres sur
la place des gènes dans la construction d’un être humain, affirmant notamment avec force leur place de parents vis à vis de leurs enfants, sans crainte que le donneur ou la donneuse de gamètes prenne leur place, avoir le maximum de caractéristiques des donneurs, soit parce qu’ils sont dans la recherche de leur double et n’ont pas encore cheminé dans l’acceptation du don, soit pour avoir des réponses à apporter plus tard aux possibles questions de leur enfant.

VERBATIM : « Mon mari et moi avions émis un seul souhait très important pour nous qui était celui que la donneuse ait les cheveux blonds clairs (comme moi , non pas pour que l’enfant à venir soit blond (je connais bien les lois de la génétique !) mais uniquement pour que, psychologiquement, nous ayons un enfant qui se rapproche de celui que nous aurions pu avoir avec mes propres gamètes. »
« j’ai réalisé qu’en fait, j’aurais aimé pouvoir dire à mon enfant, quand il m’interrogera, que sa donneuse fait tel métier, qu’elle aime les épinards et la natation, qu’elle a des enfants (qui sont, qu’on le veuille où non, ses demi-frères ou sœurs), qu’il ait même une photo, pour pouvoir voir s’il lui ressemble. »

Association Cosette et Gavroche : La filiation : un droit pour l’enfant de connaître ses origines
Aucune étude scientifique sérieuse n’a été publiée sur les répercussions comportementales chez les enfants nés par PMA avec donneur anonyme. Cependant d’après de nombreux témoignages il semble exister une grande souffrance chez les enfants nés de PMA avec sperme hétérologue pour qui la recherche du père biologique devient une obsession permanente. Un enfant doit pouvoir avoir accès à ses origines biologiques pour se construire. La « PMA sans père » serait une source de souffrance pour l’enfant qui ne pourrait pas avoir accès à ses origines génétiques.

Union des familles laïques UFAL : Ce débat a également permis de montrer que la position de l’UFAL sur la question de l’anonymat des donneurs de gamètes, et donc du droit aux origines des enfants issus d’AMP, ne peut plus être aussi tranchée. La récente prise de position de la Fédération nationale des CECOS va dans ce sens. Notre opposition à la fétichisation du lien biologique et donc à l’idée que le « vrai » parent serait celui qui a transmis son génome en lieu et place du parent d’intention qui a élevé l’enfant, ne peut masquer une demande sociale réelle : demande de certains enfants issus de ces techniques, mais également demande de certains parents d’intention voulant que leur enfant connaisse ses origines biologiques voire génétiques dans le cadre des avancées médicales. Sans remettre en cause le droit à l’anonymat des donneurs, la piste du dispositif mis en place dans le cadre de l’« accouchement sous X » pourrait être une solution adaptée. Il s’agirait alors d’élargir le champ du CNAOP à l’AMP avec tiers donneurs à qui serait étendue la pratique du « pli fermé »

Association APGL – Association des parents et futurs parents gays et lesbiens : Si le donneur n’est aucunement un père, il fait néanmoins partie de l’histoire des familles qu’a aidé à fonder. La question de l’accès aux origines devra faire l’objet d’une révision législative concomitante afin de répondre aux demandes de nombreuses famille et dans l’intérêt supérieur des enfants concernés. Ceci afin que la France mette son droit en conformité avec les engagements pris, notamment à l’international dans la Convention internationale sur les Droits de l’Enfant.