Pour la fin de l’anonymat (irréversible) du don de sperme

Publication: 16/11/2012

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par Audrey Gauvin,Présidente de l’association Procréation médicalement anonyme

Avant d’ouvrir l’accès à l’AMP aux couples de même sexe, il y a un préalable: reconnaître le droit pour toute personne de connaitre ses origines, dans le respect de l’intérêt de l’enfant.

Afin que chacun trouve sa place et que les personnes conçues par don de gamètes ne soient pas les grands oubliés de l’histoire, l’association PMA (1) demande que :
1.Pour le futur, le don de gamètes reste anonyme mais seulement pendant 18 ans, afin que l’enfant conçu à partir d’un don de gamètes puisse, s’il en éprouve le besoin, à sa majorité, connaître l’identité de son géniteur.

2.Pour les dons déjà effectués, les donneurs ayant permis la conception de personnes qui souffrent de ne pas connaître leurs origines, soient interrogés afin de savoir si leur souhait est de rester ou non anonyme. Nous tenons à rappeler à cet égard que l’anonymat du donneur n’a été inscrit dans la loi française qu’en 1994. Avant cette date, aucune loi ne régissait la pratique du don de gamètes en France, pourtant massivement réalisée dans les hôpitaux français à partir de 1973. Les donneurs de notre association qui ont donné avant 1994 militent contre l’anonymat irréversible qui leur est à ce jour opposé pour faire échec à leur volonté de se faire connaître auprès des personnes conçues à partir de leurs gamètes.

Le débat actuel sur le « mariage pour tous », avec la volonté de certains que soit ouverte l’assistance médicale à la procréation pour des couples de femmes, et bientôt d’hommes, nous conduit à rappeler quelques points de l’histoire récente:

– Lors de la révision de la loi de bioéthique en 2011, nous n’avons pas obtenu gain de cause, malgré le soutien de plusieurs associations, personnalités et parlementaires, tous bords politiques confondus. Terra Nova, think tank du PS préconisait l’accès des personnes conçues par don de gamètes à l’identité de leur géniteur et c’est la seule proposition que le PS n’a pas retenue, à notre grande surprise. Le Parlement a commis ensuite une grave erreur, en occultant les droits consacrés par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme parmi lesquels le droit pour toute personne de connaître ses origines personnelles. Nous avons cependant obtenu un article de loi sur la déclaration obligatoire des fichiers des Cecos à la Cnil. Ils n’étaient pas en règle depuis 1978 et nous l’avons découvert dans l’indifférence générale.

– Est–ce aussi dans l’indifférence générale que plusieurs personnes conçues par don de gamètes ont intenté des recours en justice afin de demander des données non identifiantes et, avec l’accord des donneurs, identifiantes pour ceux qui ont participé à leur conception?

Les personnes conçues par don de gamètes ne remettent en cause ni leur filiation ni l’assistance médicale à la procréation.

Comme tout humain, elles savent qu’elles sont issues des gamètes d’un homme et d’une femme.

Il ne sera pas possible de faire croire à un enfant qu’il est issu de deux femmes ou de deux hommes. Mais ce n’est pas l’homoparentalité qui révèle la dissociation entre parenté instituée et liens biologiques. Cette distinction existait bien avant, ne serait–ce que par l’adoption.

– À un moment où des citoyens de même sexe revendiquent le droit à l’enfant, au nom de l’égalité des couples, y compris par l’assistance médicale à la procréation, sans, pour certains d’entre eux, revendiquer la possibilité pour l’enfant d’accéder à ses origines, nous leur posons la question: que ferez–vous dans 10 ou 20 ans quand les enfants que vous aurez élevés vous interrogeront sur le brouillage de leurs origines et de la différence des sexes qui préside pourtant au renouvellement des générations? Désirer aimer un enfant est légitime. Mais être parent ne parle pas seulement d’amour et de désir. Etre parent c’est aussi inscrire un enfant dans un continuum généalogique dans lequel le biologique, l’affectif et l’éducatif doivent tous avoir leur part.

L’assistance médicale à la procréation avec donneur anonyme a permis à des couples infertiles d’avoir des enfants et à des enfants de naître. Toutefois, en l’état actuel, elle ne leur permet pas d’avoir les mêmes droits que leurs concitoyens.

Envisager d’ouvrir l’accès à l’assistance médicale à la procréation à de nouveaux couples, de nouvelles formes de parentalité, nous parait insensé à ce stade : tirons au préalable les leçons du passé, en prenant en compte le témoignage de la première génération de personnes conçues par don de gamètes, de leurs parents et des donneurs.

Pour eux, la loi n’a toujours pas réparé une injustice fondamentale. Deux poids, deux mesures. Est– ce cela l’égalité dont vous vous faites les chantres?

Les droits de l’enfant doivent être au cœur des débats à venir sur le « mariage pour tous » et cela passe par l’inscription dans la loi du droit pour toute personne d’accéder à ses origines.

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