NOS PORTES PAROLES REPONDENT A MADAME LEMORTON

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Non, Madame Lemorton, vous ne parlez pas au nom des 50.000 personnes « faites » avec des dons de gamètes.

Le Nouvel Observateur rapporte que, le 30 janvier 2013, Madame Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales à l’Assemblée nationale a indiqué que « les propos des orateurs de l’UMP (notamment Henri Guaino, mais aussi François Fillon et Jean–François Copé) destinés à ériger la filiation biologique au–dessus de toutes les autres, au nom d’un naturalisme imprégné de judéo–christianisme ultra, blessaient les parents et les enfants (50.000) nés par dons de gamètes ». Et de souligner que « l’insistance à sacraliser la seule filiation biologique revenait à signifier aux familles ayant eu recours à des dons de sperme ou d’ovocytes, de même qu’aux familles ayant eu recours à l’adoption qu’elles étaient des sous–familles, avec des sous–parents et des sous–enfants ». « Alors oui, je suis présidente de la commission des Affaires sociales mais je parle au nom des 50.000 personnes faites avec des dons de gamètes », a–t–elle lancé, après avoir expliqué que ses deux filles en faisaient partie.

Madame Lemorton, vous ne pouvez faire de votre situation personnelle une généralité et vous arroger le droit de parler en notre nom, comme si votre position était unanimement partagée ou avait davantage de légitimité que la nôtre, ou celle de nos parents, qui, comme vous, ont eu recours à un don de gamètes.

Si nous nous accordons avec vous sur le fait qu’il est totalement inapproprié de sacraliser la filiation biologique et qu’il serait parfaitement inopportun de la faire primer sur la filiation sociale, alors que précisément c’est cette dernière qui nous unit à nos parents et nous protège, nous sommes totalement contre l’idée qu’il faudrait nécessairement oublier l’acte biologique originel, à savoir l’intervention du géniteur dans notre conception.

D’ailleurs, c’est sans doute parce que vous étiez sensible au biologique que vous avez choisi de recourir à un don de gamètes, plutôt qu’à une adoption, laquelle ne vous aurait pas permis d’être enceinte, de connaître l’accouchement et d’être la génitrice de vos enfants. Lors de la dernière révision de la loi de bioéthique, vous aviez affirmé avoir « l’intime conviction » que donner la possibilité de lever l’anonymat serait une régression philosophique et intellectuelle, bien loin de la pensée de Lucien Malson qui disait « l’homme est une histoire » ou encore « l’homme n’est pas né mais construit », ajoutant, « il ne s’agit pas de nier les questions et les problèmes que se posent certains enfants, conçus ainsi, qui souffrent de n’avoir pas accès à leurs origines. Alors que, dans la grande majorité des cas, cela se passe bien, et avant de se lancer dans la levée de l’anonymat comme certains le voudraient, s’est–on penché réellement sur la raison de cette souffrance: comment les parents ont–ils été préparés à ce projet? L’ont–ils appris à leur enfant? Quand l’ont–ils informé? Comment et avec quels mots?

Comment, tout d’abord, pouvez–vous affirmer que « dans la majorité des cas » les enfants conçus par don de gamètes ne se poseraient aucune question sur leur géniteur alors qu’il n’existe aucune étude de suivi des enfants conçus par don en France et qu’une étude américaine de 2010 intitulée « My daddy’s name is donor » a, au contraire, démontré que 67% des personnes conçues par don souhaitaient obtenir des informations sur leur géniteur?

Peut–être que vos deux filles se trouvent dans les 33% restants mais cela ne vous permet pas de taxer les parents des 67% des personnes qui souhaitent savoir, de mauvais parents qui n’auraient pas dit les choses, au bon moment, avec les bons mots, comme vous semblez estimer l’avoir fait.

Ne pensez–vous pas que de tels propos qui décrédibilisent notre démarche (pourtant respectueuse de toutes les parties en présence) puissent nous blesser ou blesser nos parents?
Sachez, par ailleurs, que vos filles pourraient un jour changer d’avis, comme cela fut le cas de nombre de personnes conçues par don de gamètes, qui ont rejoint notre association, encore que cela soit peu probable tant vos propos pourraient être perçus comme leur signifiant un interdit, leur refusant du même coup, de revendiquer, devant vous, le droit à la connaissance de leurs origines.

Nous espérons qu’un jour vous sortirez de la torpeur de la dette vis–à–vis des médecins et cesserez de craindre une remise en cause de votre famille, du seul fait que nous puissions disposer des mêmes droits que les autres, sans imposer nullement à ceux qui ne le souhaiteraient pas d’en faire usage.

Nous ajouterons que les six donneurs, que vous avez indiqué publiquement avoir apportés au Cecos de Toulouse sont des humains. Comment se fait–il que dans l’autre sens, lorsque vous êtes concernée et vos enfants davantage, il ne s’agisse plus, selon vous que de « matériel biologique »? Parce qu’ils nous côtoient et ont vu notre souffrance, les 50 donneurs de notre association, militent contre l’anonymat irréversible qui leur est imposé.

Il en est de même des nombreux parents de notre association qui sont sans doute plus confiants que vous dans l’amour et les liens indéfectibles qui les unissent à leurs enfants conçus (et non « faits », tels des objets) par don.

Heureusement que d’autres personnes de votre majorité, telles que Madame la Ministre déléguée à la famille, Dominique Bertinotti, Monsieur le député Gaëtan Gorce et Madame la députée Patricia Adam ont compris qu’il n’y a aucune raison d’opposer filiation biologique et filiation sociale affective et éducative et que celles–ci, loin de se concurrencer, se complètent et sont toutes à l’origine, de ce que sont devenues vos filles. Nous demandons simplement à pouvoir mettre un visage sur la personne qui nous a permis de venir au monde, si celle–ci, une fois contactée y consent, ce que d’autres parents, eux, comprennent parfaitement.

Clément ROUSSIAL et Victoire DELAME Conçus par don et portes paroles de l’association PMA

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