Le Figaro

L’accès aux origines gagne du terrain

par LECLAIR Agnès

Les enfants adoptés ne sont plus seuls à creuser l’histoire de leurs origines. Depuis les années 1960, il est largement admis que les circonstances de leur naissance ne doivent pas rester un secret de famille. Aujourd’hui, cette quête des liens biologiques gagne du terrain. Elle s’étend jusqu’aux grands–parents. Jeudi dernier, le jugement autorisant un couple à prouver par une expertise médicale leur filiation avec leur petite–fille, née dans l’anonymat, a été qualifié de remise en cause l’accouchement sous X.

Cette décision du juge des référés du TGI d’Angers est en tout cas un premier pas pour ces ascendants qui pourront tenter d’obtenir la garde de l’enfant ou un droit de visite. Auparavant, ils devront néanmoins attaquer l’arrêté déclarant l’enfant pupille de l’État. « C’est une décision mineure sur le plan juridique car ce sera au tribunal de grande instance de trancher sur le fond. Mais une telle action de la part de grands–parents aurait été inimaginable il y a quelques années où l’accouchement sous X semblait intouchable. Ce n’est pas la justice qui évolue mais les mentalités qui changent », estime Denis Berthiau, du centre de droit médical de l’université Paris–V.

Cette affaire renvoie à une autre bataille juridique autour d’un enfant né sous X, Constantin. En juillet dernier, la Cour de cassation avait jugé que les grands–parents de ce bébé, dont la mère s’est suicidée, ne pouvaient s’opposer à son adoption plénière. Et ce faute de preuves de leurs liens de filiation avec l’enfant. À la suite de cette décision qui avait ému l’opinion, la secrétaire d’État à la Famille s’est déclarée favorable dans Le Figaro « à un droit de savoir » et à l’idée « d’un accouchement protégé ». « La mère pourrait laisser son identité et l’enfant y accéder à sa majorité s’il le souhaite. L’existence de la mère serait ainsi protégée jusqu’aux 18 ans de l’enfant », suggérait Nadine Morano.

Cette dernière a par ailleurs promis de réévaluer le fonctionnement du Cnaop (Conseil national d’accès aux origines personnelles), créé en 2002 pour favoriser le rapprochement des enfants nés sous X et des mères biologiques qui acceptent de dévoiler des informations sur leur identité. Le Conseil est non seulement critiqué pour ses résultats mais également perçu comme un frein pour accéder directement à son dossier. Pour les nés sous X qui revendiquent un droit à connaître leurs origines, la brèche est ouverte. Il faut dire que, depuis le 16 janvier 2009, la loi a évolué. Elle leur permet en effet d’exercer une action en recherche de maternité à l’encontre de celle qui leur a donné naissance dans l’anonymat. Dans les faits, il s’agit d’un nouveau droit à l’établissement d’une filiation. Mais ce dernier se heurte néanmoins aux règles de l’accouchement sous X qui protègent la mère. Et sans indice sur l’identité de sa génitrice, aucune action n’est envisageable. « C’est un grand changement mais ce n’est pas une brèche », souligne la juriste Frédérique Granet–Lambrechts, vice–présidente de l’université de Strasbourg.

Leur lutte est désormais partagée par les enfants nés de dons de gamètes. Car, là aussi, la loi garantit aux donneurs un anonymat absolu. Depuis la création des Cecos (centres d’étude et de conservation des oeufs et du sperme humains) en 1975, toute une génération d’enfants nés à la suite d’une insémination artificielle avec sperme de donneur a rejoint les troupes des enfants à la poursuite du secret de leur naissance. La révision des lois bioéthiques en 2010 répondra peut–être à leur demande. La ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, penche en tout cas pour une levée « contrôlée » de l’anonymat des donneurs de gamètes. Tout comme le Conseil d’État, à condition d’obtenir le consentement du donneur. Présidente de l’association PMA qui milite pour le droit aux origines des enfants issus d’un don, Pauline Tiberghien note que, contrairement à la France, « de nombreux pays européens reconnaissent le droit à l’accès aux origines ».