L’Alsace – 25 octobre 2015

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Don de sperme: elle se bat pour une levée partielle de l’anonymat

Une avocate conçue par insémination artificielle demande en justice des informations sur son père biologique. Elle souhaite notamment savoir si son frère a été conçu par le même donneur, et pointe le risque d’union consanguine avec son compagnon, lui aussi né d’un don de gamètes.

Doit-on partiellement lever l’anonymat des donneurs de sperme? Une avocate de 35 ans, conçue par insémination artificielle avec donneur, a saisi le Conseil d’État pour obtenir des informations sur son père biologique. La jeune femme souhaite notamment savoir si elle et son frère, lui aussi né par don de sperme, ont été conçus par le même donneur. Aujourd’hui mariée avec un homme également né d’un don de gamètes, elle pointe aussi un risque potentiel de consanguinité induit par l’impossibilité d’obtenir la moindre information sur son géniteur et celui de son mari.

Audrey Kermalvezen (un nom d’emprunt) souhaite connaître l’âge de son donneur, ses caractéristiques physiques générales, le type d’activité qu’il exerçait, ses antécédents médicaux, mais pas forcément son identité. «Je ne considère pas mon géniteur comme un père, un membre de ma famille, mais il fait partie de moi. Ce n’est pas une quête affective, c’est juste savoir d’où je viens, qui je suis. J’aimerais savoir à quoi il ressemble», explique-t-elle en assurant que ses parents accompagnent sa démarche, inédite en France.

Incompatible avec la CEDH?

La requérante, qui a témoigné dans un livre, mène depuis des années un combat judiciaire pour obtenir une levée partielle du secret qui entoure ses origines. Elle avait saisi l’administration en 2009 après avoir découvert, à 29 ans, avoir été conçue par insémination artificielle, mais elle s’est toujours heurtée au refus de l’Assistance publique hôpitaux de Paris (APHP), l’anonymat du don étant inscrit dans la loi française.

L’audience du Conseil d’Etat se tiendra mercredi et la décision sera mise en délibéré. «L’objet de notre procédure, c’est que le Conseil d’État déclare la loi française inconventionnelle par rapport à la CEDH. Ce sera ensuite au législateur d’en tirer les conséquences et de refaire la loi», affirme l’avocat de la plaignante. En 1992, la CEDH avait rappelé que les personnes dans la situation de la requérante «ont un intérêt vital à obtenir les informations qui leur sont indispensables pour découvrir la vérité sur un aspect important de leur identité personnelle».

Bien qu’aucun chiffre officiel ne soit disponible, on estime généralement qu’entre 50 000 et 70 000 enfants sont nés grâce à un don du sperme en France depuis la mise en place des premières banques de sperme en 1973.