La Libre.be : L’Allemagne met fin à l’anonymat des donneurs de sperme

L’association PMAnonyme salue l’évolution de la législation allemande et déplore le retard pris par la France de plus en plus seule en Europe et dans le monde à ne pas reconnaitre la juste demande d’accès aux origines des personnes conçues par IAD.
En Allemagne, il faut le souligner, le droit d’accès aux origines a une valeur constitutionnelle.


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Publié le vendredi 26 mai 2017

L’Allemagne met fin à l’anonymat des donneurs de sperme

Berlin vient d’adopter une loi qui permettra aux enfants nés d’un don de sperme de retrouver la trace de leur père biologique.

Les yeux de maman mais d’où vient ce menton volontaire ? C’est en jouant à retrouver les traits de famille que Anne Meier-Credner a appris à dix ans qu’elle n’était pas la fille « biologique » de son père mais qu’elle était née grâce à un don de sperme. « Sur le moment, j’étais perplexe, contrariée et puis finalement curieuse », raconte-t-elle. Très vite, elle a pensé à chercher la trace du donneur mais « seulement une fois adulte » : « j’avais immédiatement conscience de ce que cette recherche avait de douloureux pour mes parents ». Anne a donc attendu sa trentaine et le soutien de ses parents pour se mettre en chasse mais les médecins n’ont eu de cesse de lui mettre les bâtons dans les roues. « La clinique me disait qu’ils n’avaient pas reçu mon mail puis ma lettre. On m’a dit ensuite qu’il n’y avait plus de dossier… ». Pour l’heure, elle n’a toujours pas retrouvé la trace de ce père biologique. Pas plus que la plupart de la centaine de membres de l’association allemande des enfants nés d’un don, « Spende Kinder », dont elle fait partie.

Le récit des origines

Avec la nouvelle loi allemande qui s’appliquera à partir de 2018, les choses vont changer, espère l’association. Le Bundestag vient d’adopter un texte qui crée un registre central des donneurs de sperme et des femmes receveuses. Ces données devront être conservées pendant 110 ans, beaucoup plus donc que ce que prévoit la loi belge de 2007 sur la reproduction médicalement assistée qui fixe le délai à 30 ans.

La grande différence avec la Belgique est surtout que les donneurs ne seront plus anonymes en Allemagne. Leur nom pourra être retrouvé via le fichier central à la demande des enfants de plus de 16 ans. En revanche, la loi exclut clairement toute constatation judiciaire de la paternité du donneur qui pourrait impliquer un droit de garde ou un héritage.

Pour entamer des recherches, encore faut-il que ces enfants sachent d’où ils viennent. Environ 1200 enfants naissent chaque année en Allemagne grâce à un don de sperme. Seuls 20 % des parents leur racontent leur origine, estime à la louche Anne.

Or, pour elle, « il est beaucoup plus facile de vivre en sachant, qu’avec ce sentiment que quelque chose ne va pas, sans savoir quoi ». Ce « non-dit » est un élément perturbant pour les enfants, souligne également Nina. « J’ai longtemps eu le sentiment de venir d’ailleurs, de ne pas ressembler à ma famille », raconte-t-elle sur le site de l’association Spende Kinder. Elle a eu la chance de retrouver et de rencontrer le donneur, ce qui a enclenché en elle « un sentiment de libération, comme si je sortais d’une prison ».

Pour les parents, cette recherche peut être en revanche douloureuse, notamment pour les pères qui doivent avouer leur infertilité. « Beaucoup de pères « sociaux » ont peur de raconter la vérité de peur d’être rejetés par leur enfant », constate Anne, qui est devenue entre-temps psychothérapeute.

Du côté des donneurs, rares sont ceux qui souhaitent rencontrer leur « progéniture ». Beaucoup d’entre eux sont très jeunes et ne se rendent pas nécessairement compte de l’implication de leur don à long terme. La nouvelle loi suggère des entretiens psychologiques approfondis avec les donneurs et les parents receveurs, mais Anne doute de leur effet s’ils ne sont pas indépendants : « ce n’est pas dans l’intérêt des médecins qui font de la procréation assistée de dissuader donneurs et patients ».

Nathalie Steiwer, correspondante à Berlin