France Dimanche- janvier 2012

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« Je veux que toutes les personnes nées par don de sperme puissent avoir le choix de connaître leurs origines »
Clément, Paris

J’avais 12 ans lorsqu’une révélation a fait basculer ma vie. Ce jour–là, mon père m’a annoncé que j’avais été conçu par insémination artificielle, c’est–à–dire par don de sperme car il était stérile.
Le choc fut terrible, tous mes repères se sont brouillés car ce que je croyais intangible et éternel s’est effondré ce jour–là. Cette révélation fut aussi très dure pour mon père qui m’expliquait ainsi qu’il n’était biologiquement pas mon géniteur… Voilà pourquoi, je ne le remercierai jamais assez d’avoir eu le courage de cet aveu car depuis ma plus tendre enfance, j’avais des doutes et j’ai même pensé que j’étais un enfant adopté. Quelle belle preuve d’amour et de confiance de sa part…
Immédiatement, j’ai pensé à retrouver mon géniteur en imaginant qu’il était simple de d’obtenir l’identité du donneur. Et puis, en tant que fils unique, je voulais savoir si j’avais des frères ou des sœurs nées du même père pour construire une improbable fratrie…
On m’a expliqué qu’il était impossible de connaître son identité alors j’ai occulté cette histoire puis je suis passé par une phase de dépression avant de me décider à nouveau à partir à la recherche de mes origines.
Vers l’âge de 17 ans, j’ai donc entamé des démarches avec l’accord de mes parents qui ont compris cette quête malgré leur crainte de voir leur statut remis en cause.
J’ai alors adhéré à l’association PMA (Procréation Médicalement Anonyme), grâce à laquelle j’ai pu rencontrer d’autres personnes qui ressentaient la même chose que moi, c’est–à–dire ce mélange de frustration (car il existe une traçabilité, on pourrait remonter jusqu’au donneur), de souffrance psychologique de ne pas savoir d’où l’on vient et de peur concernant les origines du donneur. Il faut dire qu’à l’époque, il n’existait pas de fichier national, certains donneurs ont ainsi pu donner des dizaines de fois et la probabilité de rencontrer des demi–frères et sœurs était donc tangible et puis, à l’époque, en 1989, on n’effectuait pas de test de certaines maladies graves sur les donneurs.
Aujourd’hui, à 23 ans, je ne réclame pas la levée de l’anonymat sur ceux qui ont déjà donné, car ceux qui ont demandé l’anonymat ne doivent pas voir leur demande mise en cause, on veut changer la loi pour le futur. En revanche, nous souhaiterions la création d’une base de données basée sur le volontariat afin que les enfants et les donneurs qui le souhaitent voient l’anonymat levé (si la loi change car actuellement se serait un délit pénal). Mais surtout nous nous battons pour la levée de l’anonymat des donneurs de sperme sur les futurs dons.
Ce combat je le mène donc pour moi mais surtout pour les générations futures car je ne veux pas que ceux qui seront issus de la procréation médicalement assistée subissent la même chose que nous. Notre société prône le « droit à l’enfant » tout en ne se souciant pas de son bien–être. Légaliser l’anonymat des donneurs ajoute à la rupture de filiation, le poids d’un secret.
Et puis, il faut savoir quel type de donneurs veut–on ? des donneurs responsables ou pas ? Le don de sperme, ce n’est pas le don de sang, on donne la vie.
Et puis, que les parents qui souhaitent y avoir recours se rassurent, cette levée de l’anonymat ne ferait pas chuter les dons puisque dans certains pays européens, le don n’est pas anonyme et il est pourtant aussi élevé que chez nous…