Raymonde LE TEXIER

Raymonde LE TEXIER

Raymonde LE TEXIER Ancienne sénatrice PS
Raymonde LE TEXIER
Ancienne sénatrice PS

« Je fais également pleinement la distinction entre origine biologique et filiation. La transmission d’un patrimoine génétique ne vaut en rien certificat de parent.

Enfin, j’entends aussi certaines des leçons tirées des pays qui ont déjà levé l’anonymat, telle la baisse du nombre des dons pendant une période transitoire ou encore, par exemple, la relance du secret dans les familles qui y ont eu recours.

Néanmoins, pourquoi défendre la levée de l’anonymat ?

Il ne s’agit pas d’une obsession de la transparence, ni uniquement de celle de la primauté du droit de l’enfant. En réalité, il s’agit bel et bien du droit des individus à disposer de leur histoire, quelle qu’elle soit, car personne ne peut décider pour autrui de ce qui constitue ou non son histoire.

Si je fais la distinction dans la mosaïque des situations particulières où la quête des origines est à vif entre l’adoption, l’accouchement sous X ou la procréation avec un tiers, mon expérience professionnelle comme ma réflexion m’amènent à penser que ces dernières ont, malgré tout, quelque chose en commun : le besoin de connaître d’où l’on vient, de qui l’on vient.

Bien sûr, ce besoin est intrinsèquement subjectif. Il prend des formes et des intensités très différentes. Mais, exprimé ou retenu, il a un impact sur chaque individu.

Dès lors qu’il est clair pour tous – donneur, parents, enfant – que le don ne fait pas le parent, ni même un début de commencement de parent, pourquoi, dès lors, empêcher l’accès à l’identité du donneur ?

Quel non-dit, quelle pensée informulée, quelle crainte, à la vérité, vient encore justifier l’anonymat ? Quel est ce péril si terrifiant qui transforme le don, par nature humaniste et louable, en une chose à taire, à dissimuler, à masquer ?

Que les défenseurs de l’anonymat se rassurent : en levant l’anonymat sur les dons de gamètes, nous n’ouvrirons pas la boîte de Pandore, parce qu’il n’y en a pas.

Les donneurs ne risquent pas de voir sonner à leur porte, dix-huit ans après avoir fait un don, une colonie de jeunes gens en quête d’un père, car ce n’est pas de cela qu’il s’agit ! La plupart de ces jeunes gens veulent tout simplement avoir accès à cette pièce du puzzle, à cette infime part d’eux-mêmes, sans doute secondaire, mais lancinante.

À cet égard, j’évoquerai le cas d’une jeune femme née à la suite d’un don. À chaque fois qu’elle croisait, dans la rue, un homme à la quarantaine passée, blond aux yeux bleus, elle ne pouvait s’empêcher de se demander si c’était celui qui lui avait transmis sa blondeur et ses yeux bleus ».

Source : débats au Sénat du 7 avril 2011 (révision bioéthique)

 

 

http://www.senat.fr/seances/s201104/s20110407/s20110407_mono.html