Le principe d’anonymat en France

QUE DIT LE DROIT APPLICABLE EN FRANCE?

1. LE DROIT ISSU DES LOIS FRANÇAISES

Ce que l’on résume sous le vocable « principe d’anonymat des donneurs » est en réalité l’ensemble des dispositions suivantes qui n’ont été inscrites dans la loi française qu’en 1994 :

Article 16-8 du Code civil : « Aucune information permettant d’identifier à la fois celui qui a fait don d’un élément ou d’un produit de son corps et celui qui l’a reçu ne peut être divulguée. Le donneur ne peut connaître l’identité du receveur ni le receveur celle du donneur/En cas de nécessité thérapeutique, seuls les médecins du donneur et du receveur peuvent avoir accès aux informations permettant l’identification de ceux-ci ».

Article L.511-10 du Code pénal : « le fait de divulguer une information permettant à la fois d´identifier une personne ou un couple qui a fait un don de gamètes et le couple qui les a reçus est puni de deux ans d´emprisonnement et de 30 000 euros d´amende ».

Article L. 1211-5 du code de la Santé publique : « Le donneur ne peut connaître l‘identité du receveur, ni le receveur celle du donneur. Aucune information permettant d’identifier à la fois celui qui a fait don d’un élément ou d’un produit de son corps et celui qui l’a reçu ne peut être divulguée. /Il ne peut être dérogé à ce principe d’anonymat qu’en cas de nécessité thérapeutique.

Article L. 1273-3 du Code de la Santé publique : « Comme il est dit à l’article 511-10 du code pénal ci-après reproduit :  » Le fait de divulguer une information permettant à la fois d’identifier une personne ou un couple qui a fait don de gamètes et le couple qui les a reçus est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende ».

Article L.1244-6 alinéa 1er du Code de la Santé publique : « Les organismes et établissements autorisés dans les conditions prévues à l’article L. 2142-1 fournissent aux autorités sanitaires les informations utiles relatives aux donneurs. Un médecin peut accéder aux informations médicales non identifiantes en cas de nécessité thérapeutique concernant un enfant conçu à partir de gamètes issus de don ».

Article R. 1244-5 dernier alinéa du Code de la Santé publique : « Les informations touchant à l‘identité des donneurs, à l‘identification des enfants nés et aux liens biologiques existant entre eux sont conservées, quel que soit le support, de manière à garantir strictement leur confidentialité. Seuls les praticiens agréés pour les activités mentionnées au premier alinéa ont accès à ces informations ».

2. LE DROIT ISSU DES TRAITÉS INTERNATIONAUX RATIFIÉS PAR LA FRANCE

2.1. LA CONVENTION EUROPÉENNE DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L’HOMME ET DES LIBERTÉS FONDAMENTALES (CESDHLF)

La France a ratifié la CESDHLF en 1974 et a pris, de ce fait, l’engagement de respecter les droits qu’elle contient.

Article 8 de la CESDHLF:

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

La Cour européenne des droits de l’homme (située à Strasbourg) a jugé à de multiples reprises que:

– l’article 8 protège le droit à l’épanouissement, auxquels « contribuent l’établissement des détails de son identité d’être humain et l’intérêt vital,protégé par la Convention, à obtenir des informations nécessaires à la découverte de la vérité concernant un aspect important de son identité personnelle, par exemple l’identité de ses géniteurs«  (Arrêt Mikulić c. Croatie, no 53176/99, §§ 54 et 64, CEDH 2002-I)

– « le droit de connaître son ascendance se trouve dans le champ d’application de la notion de « vie privée », qui englobe des aspects importants de l’identité personnelle dont l’identité des géniteurs fait partie » (Odièvre c. France [GC], n°42326/98, §29, n°531776/99, §53, et Jäggi c. Suisse, n°58757/00, §25, CEDH 2006-X) (…) , CEDH 2011 Pascaud c. France…).

 

2.2. LA CONVENTION INTERNATIONALE DES DROITS DE L’ENFANT (CIDE)

La France a ratifié la CIDE en 1990 et a pris, de ce fait, l’engagement de respecter les droits qu’elle contient.

Article 7-1 de la CIDE:

« L’enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d’acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux »

Dominique VERSINI, ex-défenseure des droits de l’enfant au Comité des Droits de l’Enfant des Nations Unies a précisé dans son rapport de 2008 que le terme de « parents » dans cet article pouvait s’entendre au sens de parents biologiques :

« En France, les naissances issues d’une procréation médicalement assistée avec tiers donneur concernent 1 000 à 1 500 naissances par an. Concernant le principe de l’anonymat dans les procréations médicalement assistées avec tiers donneur (interdiction totale de révéler l’identité du donneur), s’il tend à préserver les relations entre le couple receveur et l’enfant à naître, peut sembler contestable au titre du droit de l’enfant à connaître ses origines dans la mesure du possible (article 7 de la Convention). De nombreux pays européens ne connaissent pas cet anonymat.

Il apparaît en conséquence à la Défenseure des enfants que certains aménagements pourraient être envisagés pour concilier l’équilibre entre accès de l’enfant à ses origines personnelles et maintien de l’interdiction d’une action en établissement de filiation ou à fin d’aliments à l’encontre du donneur ».

Sa recommandation :

« Concilier dans le cadre des Procréations Médicalement Assistées, l’équilibre entre accès de l’enfant à ses origines personnelles et maintien de l’interdiction d’une action en établissement de filiation ou à fin d’aliments à l’encontre du donneur ».