Nicolas – 38 ans

A l’époque je n’avais pas encore d’enfant.

Je n’avais pas conscience des conséquences que mes dons allaient entraîner.

Le bonheur des jeunes parents devant leurs enfants m’avaient souvent marqué et je comprenais que ne pas pouvoir avoir d’enfants devait être une grande souffrance. Avec mes dons j’espérais contribuer à redonner du bonheur à ces familles. Et je ne peux pas le nier non plus , les 200 fr qu’on donnait à l’époque, à chaque don, étaient bienvenus pour l’étudiant de 19 ans plutôt fauché que j’étais. Cette société un peu folle nous a mis dans un sacré pétrin et en même temps, c’est pourtant bien nous qui la faisons, cette société. Ce qui est fait est fait, j’en ai souffert moi aussi, beaucoup. A quel point ? Comment vous décrire ça ? Je pensais : « des êtres humains, mes semblables, des enfants, « mes enfants » je me disais… c’est fou ! ils étaient peut–être quelque part en train de souffrir le martyre à l’idée de n’avoir aucun espoir de rencontrer un jour leur père biologique ; ils sont là quelque part, je ne sais pas où, à souffrir ,et ce sont « mes » enfants , et ils souffrent à cause de moi ! » C’est fou, et pourtant c’est si beau , les enfants . Ce qu’il y a de plus beau. Alors toute la souffrance, toute la misère , toutes les peurs , les questions , les qui suis–je ?, s’évanouissent parce que les enfants c’est la vie, c’est l’amour. Le désir d’un couple infertile qui veut un enfant, c’est de l’amour tout autant, et c’est cet amour aussi qui fait que vous êtes là, et ça non plus on ne peut le nier.

A 22 ans j’ai rencontré une fille qui allait devenir ma compagne pour 7 longues et belles années. Elle avait déjà un enfant de 6 mois. Le désir d’avoir un enfant ensemble est vite venu. Un jour, elle a fait un test de grossesse mais il était négatif. J’étais un peu déçu mais n’avais aucune inquiétude : elle serait un jour enceinte ! Par contre l’importance de son angoisse à elle au sujet de sa fertilité m’a étonné. Puis elle a été enceinte. Un enfant est venu : Jules, mon fils aîné.

Et, je crois bien que c’est à partir de ce moment que j’ai commencé à avoir des angoisses en repensant aux dons de sperme que j’avais fait 4 années auparavant. Alors un jour, j’ai décidé de retourner au labo où j’avais fait mes dons avec l’intention de leur demander de lever le secret de mon identité. Le laboratoire n’existait plus mais j’ai réussi à retrouver le lieu où était archivé mon dossier. J’ai dis exactement ceci « si un jour un enfant issu de mes dons voulait me retrouver, je veux qu’on ne le lui interdise pas. Je veux que cela soit bien enregistré dans mon dossier». Une aimable personne m’a affirmé que cela serait bien noté dans mon dossier mais je ne savais si je devais la croire.

Quel soulagement quand en écoutant une émission de radio sur France Culture, j’ai appris qu’il existait une association qui milite pour la levée de l’anonymat ! J’ai aussitôt contacté PMA. Il faut que les hommes réfléchissent avant de donner leur sperme. Qu’ils lisent tous ces témoignages d’enfants IAD avant !! Aujourd’hui je fais ce témoignage dans l’espoir que cela puisse amener à faire réfléchir d’éventuels donneurs avant qu’ils ne commettent cet acte et aussi et surtout contribuer à changer la loi et lever l’anonymat.

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