Rose Christen – 16 ans

Rose Christen – 16 ans

Je suis Rose, bientôt 17 ans, vivant en Auvergne. J’ai appris mon mode de conception dès ma naissance. Toute petite, mes parents me donnaient un livret pour enfant, racontant comment j’avais été conçue. Je trouvais ça tout à fait normal, banal. Je croyais que tous les enfants avaient ce livret, tous les enfants avaient cette histoire.

Le sujet n’a pas été évoqué depuis ce livret jusqu’à environ mes 13 ans. C’est à cet âge-là que je me suis réellement rendu compte de mon mode de conception même si mes parents n’ont jamais souhaité qu’il y ait de secret sur ce sujet.
Mon grand-père paternel m’a lâché un jour : « Tu n’es pas ma vraie petite-fille, pourquoi te donnerais-je le même argent de poche que mes autres petits enfants, ou pourquoi te traiterais-je de la même manière ? ». Depuis, je ne l’ai pas revu, et heureusement. Même si je le déteste d’avoir dit tout cela, et bien d’autres, je sais que c’est grâce à lui que j’ai eu ce déclic. Mais je ne lui suis en rien reconnaissante, bien au contraire.

Alors j’ai commencé par faire des recherches, déjà sur la PMA, puis sur les CECOS. Cette histoire tournait en boucle dans ma tête tous les jours, sans cesse. J’en ai parlé plus tard à ma meilleure amie : je ne pouvais pas garder ça pour moi, il fallait que je l’extériorise. J’ai aussi cherché des moyens de connaître mon donneur. Malheureusement, aucun moyen n’existe légalement en France, il faut donc espérer que les lois changent en faveur des enfants nés par don.

Je ne souhaite pas dire que ce donneur est mon « père » car mon vrai père, celui qui m’a élevé, est le seul à qui je puisse adresser ce nom. Peut-être que je dois 50% de mon ADN, de mon identité, de moi-même en fait, à un inconnu, mais mon père reste celui que j’aime et qui ne m’a jamais rien caché, celui qui m’a transmis ses valeurs. Je sais aussi que si je suis née grâce à ce donneur, c’est parce que les parents ont surmonté de nombreuses épreuves, et qu’ils s’aiment.

Malgré tout, je souhaite rencontrer mon donneur. J’aime mon père, et je ne veux pas le blesser là-dessus, ni blesser ma mère ou le reste de ma famille. Mais il est important pour moi de savoir à qui je ressemble en partie (il paraît que je ne ressemble pas à ma mère ni de physique, ni de caractère), de qui je tiens, si j’ai des antécédents médicaux dont il faut que je me préoccupe, si j’ai des demi-frères, demi-sœurs (je suis fille unique). Et encore beaucoup d’autres questions.
Même si je sais qu’il y a très peu de chances que je retrouve un jour sa trace, je ne cesse d’espérer. L’espoir fait vivre dit-on ?

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Date du témoignage : 13 décembre 2018