Le JDD : « PMA : faut-il mettre fin à l’anonymat des donneurs de sperme et d’ovocytes ? »

Le Journal Du Dimanche a publié hier un article sur la question de l’anonymat des donneurs de gamètes et le droit d’accès aux origines pour les adultes issus de ces dons. Vincent Brès, président de l’association PMAnonyme a répondu aux questions de la journaliste.

Nous en profitons pour apporter deux précisions :

  1. Pour retrouver un donneur grâce à des tests ADN, il n’est pas nécessaire que le donneur ait lui-même fait le test ADN. Il suffit en effet que quelqu’un de sa famille proche soit inscrit dans la base de données.
  2. L’association PMAnonyme souhaite l’instauration d’un droit d’accès aux origines et non pas une suppression totale de l’anonymat. Supprimer totalement l’anonymat signifierait que les couples et le donneur connaîtraient dès le départ leurs identités respectives. Un droit d’accès aux origines signifie que le don s’effectue dans le cadre de l’anonymat mais que la personne issue du don a la possibilité à partir de sa majorité et si elle en ressent le besoin, d’obtenir des informations sur le donneur.
    En tout début d’année, le journal La Croix a fait un sondage où une majorité de Français se dit favorable aux principes d’anonymat et de gratuité du don. Par la suite, d’autres sondages ont montré que les Français sont également favorables au droit d’accès aux origines. Ces différents sondages n’ont rien de contradictoires et montrent juste que les Français adhèrent majoritairement aux propositions de notre association.

Lien de l’article : https://www.lejdd.fr/societe/pma-faut-il-mettre-fin-a-lanonymat-des-donneurs-de-sperme-et-dovocytes-3637400
Date de publication : 28 avril 2018

Recopie partielle de l’article :

Le combat des enfants issus du don de gamètes et l’engouement pour les tests ADN disponibles en ligne ouvrent une brèche dans l’anonymat du don, au cœur des Etats généraux de la bioéthique.

« Les gens s’imaginent que tout à coup, on va aller emmerder de pauvres personnes qui ont fait un acte généreux. Mais le droit de connaître ses origines, ce n’est pas le droit d’aller rencontrer les donneurs. On demande seulement à lever le voile sur un anonymat qui n’a pas de sens. » Vincent Bres, enfant issu d’un don de gamètes et président de l’association Procréation médicalement anonyme (PMA), déplore les peurs que suscite la potentielle levée de l’anonymat des donneurs de spermatozoïdes ou d’ovocytes. Un sujet qui, initialement, ne figurait pas à l’ordre du jour des Etats généraux de la bioéthique, dont la première étape a pris fin lundi 30 avril.

C’était sans compter la détermination des associations d’enfants du don, militant pour l’accès aux origines. A la veille de l’ouverture de la grande consultation nationale, phase préalable à la révision de la loi de bioéthique fin 2018, elles ont pesé de tout leur poids. La question est alors revenue en force dans les préoccupations du Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Selon la sociologue Dominique Mehl, spécialiste de la procréation médicalement assistée au CNRS, il serait désormais « incroyable que le CCNE ne se prononce pas sur la question dans l’avis qu’il va produire en juin [2018] », explique-t-elle au JDD.

L’association PMAnonyme milite pour que soit reconnu le droit d’accès à un certain nombre d’informations concernant le donneur ou la donneuse, lorsqu’un enfant issu du don atteint la majorité. Vincent Bres se veut rassurant : « On ne cherche pas d’héritage, ni à embêter qui que ce soit. On veut une identité. Qu’un tiers demande à nos donneurs les informations qu’ils veulent bien nous dévoiler. »

Une brèche dans l’édifice légal du don de produits corporels en France

L’enjeu est de taille. L’anonymat est, avec la gratuité et le consentement, l’un des trois piliers en France du don de produits du corps – sang, moelle osseuse, gamètes, etc. A l’origine de cette réglementation, une même idée : « Pas besoin d’identifier le donneur puisque ce ne sont que des cellules, explique la sociologue Dominique Mehl. Si elles passent d’un corps à l’autre, elles ne passent pas d’une personne à l’autre. »

Ce principe ne fait guère débat lors des débuts de la procréation médicalement assistée. Jusqu’à ce que les premiers enfants issus de dons du sperme deviennent adultes, et pointent du doigt un angle mort de cette politique. « On n’avait pas envisagé que le gamète n’est pas comme une cellule sanguine ou un organe, raconte Dominique Mehl. Il ne fait pas que remplacer un organe déficient mais, en s’implantant chez une autre personne, apporte son patrimoine génétique, et pas simplement une fonction physiologique qui permette à quelqu’un de faire des enfants. »

En Suède et aux Etats-Unis, les personnes ont le choix de donner anonymement ou non. Une position intenable pour Dominique Mehl. « Cette solution n’est pas viable, car elle introduit une inégalité. Si certaines personnes issues du don peuvent avoir accès à des informations et d’autres non, tout ça ayant été décidé par des adultes, quelque chose cloche. »

La levée de l’anonymat met-elle en danger le nombre de dons de gamètes ?

Vincent Bres de PMAnonyme dénonce pour sa part une « légende urbaine ».

Dominique Mehl tempère : « En Suède et en Angleterre, le nombre de dons a chuté, puis est remonté. » On assisterait surtout à un changement important dans les profils des donneurs. « Les nouveaux sont des personnes qui ont une tradition de don, qui sont plus âgés et plus investis. Ils savent que, sans se préparer à être père ou mère, ils s’apprêtent à donner autre chose que juste des gamètes. »

L’engouement pour les tests ADN en ligne menace l’anonymat des donneurs

Des arguments déjà sur la table lors de la précédente révision de la loi de bioéthique en 2011. Mais la situation a bien évolué depuis. En janvier 2018, Arthur Kermalvezen, trentenaire issu d’un don de gamète, a secoué le monde de la procréation médicalement assistée en retrouvant seul son donneur. Un simple test ADN, acheté moins de 100 euros sur Internet, le met en relation avec un petit cousin, puis avec son géniteur 48 heures plus tard. Son cas n’est pas isolé, assure Vincent Bres. Beaucoup remontent au moins jusqu’à des demi-frères et sœurs. S’il a lui-même fait ces tests, le président de PMAnonyme a « eu moins de chance que d’autres ».

L’anonymat légal serait-il en train de devenir intenable? Vincent Bres en est persuadé. « L’anonymat n’est absolument plus garanti, et ça ne sert à rien de le faire croire aux donneurs actuels ». Plutôt que de laisser libre cours à une situation « anarchique », Vincent Bres préférerait en tout cas voir la législation évoluer.

Une levée partielle de l’anonymat : les données « non identifiantes »

La Fédération des Cecos s’est pour le moment positionnée en faveur de la création d’un registre national des donneurs, à titre non rétroactif – les personnes qui ont donné jusqu’à présent ne pourraient en aucun cas être sollicitées, estime Nathalie Rives. Les Cecos sont favorables à la transmission de données dites « non identifiantes » sur le donneur, comme les motivations qui l’ont conduit à donner. Un compromis qui vise à satisfaire et rassurer toutes les parties prenantes.

De quoi faire bondir au plafond Vincent Bres. « Nos parents resteront toujours nos parents. On ne cherche absolument pas à les remplacer, mais à en savoir plus sur notre hérédité ».